3. L'accident

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Maria Rosa n'eut pas de difficultés à reprendre le cours normal de sa vie. Après tout, ce n'était pas comme si elle était vraiment morte, comme elle l'avait soutenu à sa mère. C'est donc sans réelle affectation qu'elle effectua le même rituel que tous les matins. Était-ce une côte fêlée qui allait l'empêcher de passer la pièce ? Sans doute pas.

C'est néanmoins un peu plus fatiguée que d'ordinaire qu'elle rejoignit ses amis à leur point de rendez-vous habituel.

- Bonjour Maria Rosa.

- Bonjour Grâce, bonjour Porg.

Une fois n'est pas coutume, ils se prirent dans les bras. Aux grands maux les grands moyens, comme avait coutume de le dire Paulina Ursula Teodora Anna, la grand-mère de Maria Rosa, qu'elle appelait Abuela, car c'était plus rapide.

- Nous avons eu peur pour toi Maria Rosa, déclara Porg.

- Moi aussi j'ai eu peur pour moi, répondit-elle.

Aussitôt, elle fronça les sourcils. Cette remarque était très égoïste. Elle s'excusa auprès d'eux et ils lui assurèrent que ce n'était pas grave : leur indulgence était une des qualités qu'elle appréciait chez eux.

Leur gentillesse et leur écoute arrivaient en bonne position derrière. En revanche, ils manquaient d'humour, mais ça, Maria Rosa en était dépourvue aussi. Cela ne la dérangeait donc pas. Elle avait d'autres moyens pour rire : par exemple, manger de la glace à la vanille en regardant Orgueil et Préjugés la plongeait dans un état de félicité extrême.

Maria Rosa raconta brièvement à ses deux amis la conversation qu'elle avait eue avec sa mère la veille au soir. Quand elle en vint à la troisième promesse que celle-ci avait réussi à lui tirer, Grâce et Porg échangèrent tous les deux un coup d'œil. Maria Rosa se sentit un peu exclue.

- Mais Maria Rosa, comment vas-tu faire pour lui apporter des gâteaux si tu ne sais pas qui t'a sauvée ?

Porg venait de soulever une question qui ne lui avait pas encore traversé l'esprit, toute occupée qu'elle était à se demander si elle allait rajouter des amandes ou des noisettes grillées dans les gâteux ; elle suivait la recette à la lettre mais s'autorisait parfois des petites folies de ce genre. Elle aimait vivre de risque modéré : elle se sentait plus vivante de cette manière.

- Je ne sais pas Porg...

Elle savait qu'elle avait eu le temps d'apercevoir de visage de l'homme aux claques dorsales avant qu'elle ne perde connaissance, mais dans sa détresse, elle n'avait pas retenu grand-chose, mis à part des yeux d'une couleur bleue saisissante.

- Eh bien moi je sais, Maria ! s'écria le jeune homme.

De temps à autre, il s'autorisait à l'appeler avec le petit surnom original qu'il lui avait trouvé l'an dernier, pendant leur année de terminale, durant laquelle ils étaient devenu très proches, malgré le fait qu'ils soient tous deux dans des filières différentes.

- Ah oui Porg ?

Maria Rosa avait beau être bourrée de qualités, elle n'était pas créative et continuait à appeler son ami par son prénom.

Grâce les regardait à tour de rôle et la jeune espagnole se dit qu'elle devait se sentir exclue. Trois n'était décidément par un bon chiffre.

- Oui, car moi je sais de qui il s'agit, Maria Rosa ! Je l'ai vu !

- Et moi aussi car je me suis évanouie et qu'il m'a aidée à reprendre conscience, raconta Grâce.

Maria Rosa se souvint que son amie avait, d'angoisse, perdu connaissance. Elle se sentit coupable de ne pas lui avoir demandé avant comment elle allait et si elle s'en était remise. Heureusement que la blonde était indulgente.

- Comment t'a-t-il aidée, Grâce ? s'enquit Maria Rosa avait un réel intérêt, même si elle brûlait de savoir de qui il s'agissait.

- Il m'a giflée.

En prononçant ses mots, elle effleura sa joue. Ses yeux verts-gris étaient devenus rêveurs et elle faillit se prendre un poteau. Elle ne tarda pas à se ressaisir quand Porg reprit la parole.

- Bref, je vais te dire qui c'est, Maria !

- Je t'écoute, Porg !

- Bien Maria ! La personne qui t'a sauvée est...

- Derrière toi, coupa Grâce.

Porg jeta un coup d'œil par-dessus la tête de Maria Rosa et fronça les sourcils.

- Non, il n'y est pas... Par contre il y a...

- Une trottinette qui fonce droit sur toi, Maria Rosa.

- Quoi ? s'exclama celle-ci en se retournant.

Tétanisée, elle ne put que regarder, impuissante, une fille en trottinette qui roulait à pleine vitesse dans sa direction.

Pour la deuxième fois en deux jours, elle se demanda si elle allait voir sa vie défiler devant ses yeux. Elle constata néanmoins, non sans une certaine satisfaction, qu'elle avait, depuis la vieille, répondu à une des trois questions qui la taraudait : ne restaient donc plus que le sens de la vie et la recherche de son âme sœur.

Toutefois, Maria Rosa allait avoir un sursis pour y réfléchir. Soudainement, elle se sentit poussée hors du trajet de l'engin. Elle n'eut pas le temps de faire quoique ce soit qu'elle heurta brusquement le sol. Le béton rugueux lui écorcha le coude et la hanche et elle se serait sans doute cogné la tête si une main ne s'était pas interposée entre son crâne et le trottoir.

- Oh, laissa-t-elle échapper.

- Désolée, je suis pressée, lança la fille en trottinette qui était déjà loin.

- Pas de soucis, fais attention à toi ! répondit Porg en guise d'au revoir.

Maria Rosa aurait voulu lui dire de n'être pas si aimable avec une fille qui avait manqué de la tuer, mais deux faits l'en empêchaient. D'abord, elle savait que ce n'était pas trop correct de réfréner la politesse et la gentillesse naturelle de son meilleur ami ; cela aurait été égoïste.

Ensuite, il s'avérait qu'elle était plaquée au sol par un individu dont les yeux bleus lui étaient vaguement familiers.

- Oh, répéta-t-elle.

- Ça va ?

Son coude la brûlait, son bassin aussi, la douleur dans sa côte était insupportable et sa respiration à moitié coupée, elle était affalée sur un trottoir glacial avec un inconnu à moitié allongé sur elle et lui écrasant notamment la main, et avait failli mourir percutée par une trottinette.

- Oui ça va, répondit-elle d'une toute petite voix.

La seconde suivante, elle fondit en larmes.











++++


Je voulais mettre un mot dans le chapitre précédent pour dire que j'en avais marre que mes héroïnes se réveillent à l'hôpital, mais j'ai oublié, donc je le mets ici.

J'en ai aussi marre que tout le monde déteste lesdites héroïnes (allez quoi c'est pas le même genre qu'Amy T_T), mais là je ne peux m'en prendre qu'à moi-même je crois.

Du coup j'espère que vous avez aimé mon plaquage trottoir, même s'il ne vaut pas un plaquage casier... Un plaquage reste un plaquage...

Bisous

Claque DorsaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant