C H A P I T R E 2

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Attachée et immobilisée contre un fauteuil, je gesticule sur la surface moelleuse après avoir péniblement repris conscience. Un sac est positionné sur ma tête m'empêche d'y voir clair, sans compter la déconcentration et la fureur auxquelles je suis en proie. Mon rythme cardiaque s'accélère brusquement si bien que je sens mes muscles se tendre et certains de mes sens s'affiner comme à chaque fois que je m'apprête à muter.

Cependant, je lutte de toutes mes forces pour ne pas que cela arrive. Rien qu'à l'idée de la douleur que je subirais, mes palpitations se stabilisent. Puisque je suis ligotée, si je venais à me transformer dans cette posture, mes articulations se briseraient et mes organes seraient écrasés.

Concentrée, je me focalise sur cette progression pour me canaliser puis prends une longue inspiration pour me calmer. Mes mains plaquées dans mon dos tremblent au moment où le spasme qui a secoué tout mon être se dissipe. J'expire, haletante puis relève la tête en espérant apercevoir quelque chose à travers ces maillons opaques. Je ne me souviens plus vraiment de ce qu'il s'est passé avant que je me retrouve ici. Quelques jours se sont écoulés durant lesquels je me suis sentie ballotée, envoyée d'une région à une autre, mais mes sens ont été diminués à cause de tous les sédatifs qu'ils m'ont donnés.

Le résultat est qu'en plus d'être terrorisée, je suis désorientée. Tous ces souvenirs me reviendront. C'est une chose que personne ne peut me voler.

Je me déchaîne contre mes liens après avoir dirigé toutes ces émotions nouées dans mon estomac sur ce seul objectif. Je ne perçois aucune lumière, seulement une fine brise d'air glacée qui perce à travers des grilles d'aérations. Ces dernières provoquent un faible écho dans l'habitacle que je devine étroit.

Où suis-je ?

J'éprouve de la difficulté à me projeter sur ce lieu étrange, mais je distingue un grincement métallique régulier. Il est accompagné de l'entrechoquement permanent de rouages qui semble permettre à cet embarcadère infernal d'avancer. Je crois qu'il s'agit d'un train. En tout cas, une chose est sûre, c'est un moyen de transport rapide au vu des vibrations que je ressens en plus de l'appel d'air. Ma louve est étrangement silencieuse, en temps normal, je ne m'en plaindrai pas. Néanmoins, son absence anormale qui arrive en même temps que la perte de mes souvenirs m'inquiète.

Ai-je déjà rencontré l'Alpha ? Que s'est-il passé avant que je ne finisse ici ?

Mes liens brûlent de plus belle mon épiderme pendant qu'un grondement sourd s'échappe de mes lèvres lorsque dans une dernière tentative, j'essaie de faire céder la corde. Mes ongles s'allongent puis deviennent tranchants dès je me focalise sur la mutation de cette partie précise de mon corps. Je cisaille ensuite mes liens jusqu'à sentir les fibres se déchirer morceau par morceau. Je tire d'un coup sec pour me libérer.

Un souffle soulagé m'échappe pendant que je retire le sac de ma tête afin de contempler la cabine de train dans laquelle je suis enfermée. Mon analyse s'est avérée juste. Je me penche pour enlever les attaches qui emprisonnent mes chevilles. Autour de moi, la tapisserie et les quelques meubles qui occupent l'espace de l'habitacle arborent une couleur grise et triste. Le tout est renforcé par une atmosphère anormalement sombre malgré le fait que nous nous trouvons au milieu de la journée à en juger le ciel. Mes doigts se posent sur la vitre, effleurant la buée ainsi que la particule de givre qui rend le verre opaque. Un silence de mort règne dans ce train qui semble inanimé.

Le plus interpelant est cependant le paysage devant lequel je me tiens. Des arbres et de la neige à perte de vue. Il n'y a aucune civilisation, nous sommes entourés de montagnes et de plaines recouvertes d'un épais manteau blanc. Peu à peu, je recule terrifiée jusqu'à rencontrer le fauteuil que j'ai quitté. Des bribes de mémoires me reviennent, résonnant dans mon esprit comme un écho. Parmi ces voix qui m'assaillent de toute part, je ne discerne qu'un groupe de mots.

𝐍𝐎𝐑𝐓𝐇𝐄𝐑𝐍 𝐖𝐎𝐋𝐕𝐄𝐒 - (aperçu avant édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant