Chapitre 1 : la découverte

107 7 0
                                    


Tout avait commencé neuf années plus tôt. À cette époque, Stéphane Bigart n'était pas l'homme puissant et intouchable qu'il allait devenir. Il n'était encore qu'un pâle millionnaire, pas même cité dans les dix plus grandes fortunes de France. Certes, Stéphane n'avait jamais douté du fait qu'il deviendrait riche au possible, mais il aurait auparavant juré que cette fortune serait issue de l'industrie agroalimentaire florissante que lui avait léguée son défunt père.

Les Industries Bigart étaient alors les premiers exportateurs de poulet dans toute l'Europe, et fournissaient ainsi des dizaines de pays de par le monde. Mais Stéphane, en homme d'affaires avisé issu d'une prestigieuse école de commerce, ne comptait pas s'arrêter là. Il avait déjà grandement fait évoluer les affaires de son père, et s'était enrichi en lançant différentes marques de plats préparés.

Grâce aux moyens de sa compagnie, aux infrastructures des Industries Bigart et au savoir-faire de son personnel, notamment en termes d'aliments transgéniques, Stéphane avait sans mal su s'imposer avec ses nouveaux produits, même s'il cherchait à générer toujours plus de profit. Ses dernières recherches portaient alors sur la transformation en matière première des déchets générés par son activité.

Une grande partie de ses déchets industriels étaient redistribués, notamment pour la création de nuggets ou l'envoi à différentes chaînes de fast food. Cependant, il restait des rejets qu'il n'arrivait pas encore à "recycler" correctement, notamment tout ce qui était impropre à la consommation.

S'il pouvait modifier les restes de poulets et autres aliments non transformés en nouveau produit, il gagnerait sur les deux tableaux. D'une, il diminuerait le coût du traitement des déchets de ses usines, et de deux il les convertirait en espèces sonnantes et trébuchantes. À l'instar des alchimistes et de leur recherche de la pierre philosophale, Stéphane Bigart cherchait la recette pour transformer les becs, les os et les têtes de poulet en or.

Sa plus grande piste était de transformer ces déchets en une merveilleuse mélasse pour bétail, mais les lois européennes contre les farines animales, de même que la diminution constante des élevages en France, rendaient son projet vain et peu rémunérateur. Sans compter que certains de ses déchets étaient particulièrement toxiques.

Le chef d'entreprise était l'un des seuls à travailler ce soir-là, dans l'une des nombreuses usines de transformation des Industries Bigart. Ces derniers mois, l'entrepreneur avait entièrement dédié ce lieu à l'expérimentation. Ses chercheurs y traitaient de nouvelles « recettes » pour ses plats préparés, et cherchaient également le Saint Graal qui leur permettrait de faire de leurs déchets une source d'argent.

Après quelques années à peine dans l'industrie agroalimentaire, le jeune patron avait naturellement compris que son activité relevait davantage de la chimie que de la cuisine.

— Monsieur Bigart ? Vous êtes toujours là ?

Le jeune Stéphane se retourna brusquement. Les dernières recettes qu'on lui avait présentées avaient échoué pitoyablement, et il venait de perdre une journée de travail à tester des produits invendables. Il braqua un regard furieux vers Maria Pergusso, la sotte technicienne en chef qui osait le déranger.

— En quoi ça vous pose problème, idiote ?! C'est encore mon entreprise, à ce que je sache !

L'autre s'écrasa sur place. À cette époque, Stéphane était encore un requin aux dents longues, qui avait le monde à conquérir. Il n'était pas le flegmatique plein aux as qu'il deviendrait par la suite, et était connu pour ses coups de colère.

InfiniOù les histoires vivent. Découvrez maintenant