5 - Les femmes qui veillent

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La nuit apporta un nouveau songe aux allures étranges à Cassien.

Cette fois-ci, il était un fantôme, ou du moins, un sorte d'esprit, qui flottait dans une pièce éclairée par les flammes hésitantes de bougies. Il distinguait l'ombre de trois lits ; aux courbes des draps, il devinait qu'ils étaient occupés.

Poussé par la curiosité, Cassien voulut s'en approcher. Il commença à esquisser son geste mais, dans un éclair de brume, trois vieilles femmes apparurent devant lui, se matérialisant sur des chaises qui elles-mêmes flottaient au-dessus du sol, comme lui.

Instinctivement, il recula.

« Ici, que fait ce garçon ? demanda une première femme.

— Il est un des appelés, voyons, lui répondit une deuxième.

— Du Messire il n'a pas l'aura, renchérit la première.

— Si Paul l'a choisi, il le prouvera » rétorqua enfin la troisième.

La première femme, qui ne semblait pas spécialement l'apprécier, se pencha vers Cassien pour mieux l'observer ; son cou s'allongea, comme s'il était fait en caoutchouc. En voyant cela, le jeune homme fut saisi d'un grand effroi. Il écarquilla les yeux de peur.

Le visage de la vieille n'était qu'à quelques centimètres du sien, il put lui aussi l'examiner. Sa peau était incroyablement ridée, ses yeux de fouine paraissaient petits, son nez pointu lui rappelait les représentations des birettes qu'on lui montrait étant petit, ses lèvres parcheminées. Au fur et à mesure qu'il la détaillait, Cassien se sentait moins effrayé par son regard inquisiteur.

Il osa même l'affronter. Comme si sa fierté avait été attaquée quand on l'avait soupçonné de ne pas être à la hauteur. Il la défia, la regarda droit dans les yeux, ne faillit pas. Il sentit son visage se fermer, devenir glacial, presque méprisant.

Un petit sourire en coin finit par apparaître sur le visage de la femme. Son cou revint à taille normale.

« A lui, que faut-il lui donner ?

— La clef. »

Tic-tac.

Cassien tiqua en entendant ce bruit. Il savait ce qu'il signifiait : leur temps dans ce rêve allait bientôt arriver à son terme.

Mais quelque chose d'autre clochait : il était trop lucide, bien trop.

Il n'eut pas le temps d'y penser davantage, la troisième femme qui avait parlé claqua des doigts et ouvrit la main. Une petite clef y apparut.

« Approche, jeune homme. »

Ce dernier s'exécuta, alors que les tic-tacs s'intensifiaient. Il tendit la main. Ses doigts se refermèrent sur l'artéfact.

Tic-tac. Tic-tac. Tic-tac.


DONG.


Le rêve s'effondre, tombe en ruine.

Cassien tombe, chute une nouvelle fois dans les ténèbres.

(CC2017) De regrets et d'espoirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant