4 - Les restes de l'orage

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Cassien dormit mal. Les ténèbres envahissaient son esprit dès qu'il fermait les yeux et il plongeait. Il plongeait, ou plutôt on l'attirait, vers quelque chose de plus profond.

Soit par inconscience, soit par une sensation d'agréable qui anesthésiait ses sens, il ne percevait pas la chute, au début. Puis elle devenait plus violente, le frappait en plein cœur. Il luttait péniblement pour raviver son esprit, essayer de reprendre le contrôle, tandis qu'il recevait des coups de tous les côtés. Il se sentait comme une vulgaire poupée de chiffon. Que cela cesse, que cela cesse...

Parfois le jeune homme parvenait à se réveiller, toutefois ses yeux ne trouvaient qu'une obscurité noire devant eux. Il savait qu'il n'était pas dans son lit et l'ignorance lui faisait mal. Alors, affaibli et lasse, il s'abandonnait une nouvelle fois au sommeil. Mais plus la descente se répétait, plus les griffes de l'« autre » se révélaient plus acharnées à l'entrainer au fond des ténèbres.


On l'appelait. Du moins le supposait-il, sa conscience enfouie sous plusieurs strates ne parvenait qu'à avoir une vague connaissance du monde réel. Toutefois cela lui avait permis de gagner un peu de répit car les griffes avaient passagèrement relâché leur emprise. Cela le réconfortait, aussi, et lui donna du courage de reprendre sa lut...


Talia sauta sur le lit.

Cassien ouvrit les yeux aussitôt, inspira goulûment.

Les premiers rayons du soleil perçaient à peine à travers les volets, mais la lumière timide rassurait Cassien : il n'était plus dans son cauchemar. Pensivement, il gratta la tête de sa chienne qui quémandait des caresses ; son père avait dû lui ouvrir la porte de sa chambre quand il l'avait entendue gémir et gratter à sa porte.

Le jeune homme profita encore quelques minutes de ce répit puis se redressa. Il remarqua alors qu'il était tout ankylosé ; comme si les coups reçus dans son cauchemar avaient été réels. Préférant ne pas raviver son songe, il regarda son réveil : six heures. Même s'il avait plus d'une heure d'avance sur son horaire habituel, il décida de se lever et de prendre immédiatement une douche. Il laissa couler l'eau plus longtemps que d'habitude ; c'était idiot, il le savait, mais il espérait ainsi se laver de son cauchemar. Avant de descendre, il se regarda rapidement dans la glace.

Sa mine était affreuse, son teint livide, ses traits tirés, ses yeux ternes. Au moins ses lunettes pouvaient camoufler un peu ses cernes... Sa dure nuit avait aussi laissé des traces sur son esprit : il se sentait encore plus fatigué que la veille et l'esprit un peu ailleurs.

Talia, qui l'avait attendue devant la salle de bain, l'accompagna au rez-de-chaussée. Son père était déjà attablé dans la cuisine, un café dans une main et un livre dans l'autre. Il fut surpris de voir son fils levé et habillé aussi tôt.

« Tu vas bien, mon chéri ?

— Plus ou moins. Oui.

— Tu es sûr ? Tu as mauvaise mine. Si jamais tu ne te sens pas bien tu pe...

— Papa, ne t'inquiète pas. J'ai... seulement fait un cauchemar. Ça ira mieux au fil de la journée. »

Son père le regarda, sceptique, ne le croyant qu'à moitié, mais lui accorda le bénéfice du doute. Cassien s'installa à son tour à la table et engagea la conversation sur leurs lectures. En effet, il avait la chance de partager de nombreux centres d'intérêts avec son père ; même s'ils ne préféraient pas forcément toujours les mêmes genres ou livres, ils aimaient partager leurs découvertes et leurs réflexions.

Ils parlèrent ainsi durant plus d'une heure ; entre temps, la mère de Cassien s'était à son tour réveillée et préparée. Son père annonça qu'il allait partir au travail, puis fut rapidement suivi de son épouse. Laissant leur fils seul pour le quart d'heure qu'il restait.

(CC2017) De regrets et d'espoirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant