Origine - Jeon Jungkook

Chapitre 1 ; L'autre moitié

Leur passé.

Tout a un début.

Leur début à eux ?

Les yeux de Jungkook vagabondant nonchalamment le long du ciel d'un bleu lustral, les nuages de poussière blanchâtre couvrant égoïstement certaines bribes du tableau aux regards avides des hommes, ses lippes rosâtres à peine écartées, laissant échapper son souffle glacial tandis qu'il respire, son torse se soulevant à un rythme régulier, ses chaussures fermement ancrés au sol par la gravité reine, ses pensées pourtant ailleurs.

Pour la première fois depuis longtemps, Jungkook se sent bien.

Puis, lentement, toujours dans cette sérénité qui l'enveloppe comme une couverture, il dirige son regard vers la foule, qui semble s'être restreinte des couleurs criardes, teinte dans un chaos de blanc et de noir que jettent leurs habits, qui se mélange avec le gris du trottoir.

Les paroles, des chuchotements éveillés aux rares soulèvements soudains, le bruit qui arrive jusqu'à lui ne le contrarie en aucun cas, remplissant l'absence de ses battements de cœur.

Jeon Jungkook est mort ; ou plutôt, il est un vampire. Un hybride, pour être précis.

À demi-vampire, à demi loup-garou. Le seul qui ait jamais existé. Ce serait un euphémisme de dire qu'il est puissant ; il est invincible. L'atteindre, si ce n'est que le déstabiliser tiendrait de l'impossible, de l'irréel ; il existe des êtres ainsi, qui se distingue de nous autres humains vulnérables, il subsiste encore des créatures qui ne s'effondrent pas après avoir réalisé que la vie n'est qu'un labyrinthe dont il faut s'échapper.

Mais, en une fraction de seconde, pour la première fois depuis des milliers d'années, Jeon Jungkook sent son souffle se couper.

Et quelque chose qu'il n'avait pas ressenti depuis un long moment l'assaillit. 

Les sensations. Brusques. Subites. Exquises.

Un frisson le parcoure, glisse sournoisement le long de son échine tandis que l'air est obstrué de ses poumons. Une étincelle légère qui embrase ses pensées, un crépitement qui réveille ce qui vit en lui, une flamme qui l'enlace si soudainement, le brûle de l'intérieur avec une passion ardente, brute, sauvage.

La puissance de ses émotions le fige sur place.

Un arôme délicate l'aborde d'abord, et lorsque son olfactif est finalement saisi par le jasmin, caressé par cette odeur qui le tire, qui lui donne l'envie subite de courir auprès de sa propriétaire et de l'étreindre, de la renifler -c'est sûrement sa partie loup qui parle ici- et de ne plus jamais sentir autre chose.

Il y a des centaines d'odeurs autour de lui, des effluves à en faire perdre la tête de n'importe quel hybride mi loup-garou, mais il ne respire plus qu'elle, à chaque exhalaison, elle, à chaque seconde.

Il a besoin de la voir, de la sentir, de la toucher.

Des étincelles, des effleurements semblent avoir éclos dans un des recoins de son torse et semble lui percer la poitrine, peindre le reste du monde de leurs couleurs, tandis que Jeon Jungkook tourne la tête, à sa recherche.

La créature qui le fait vivre à nouveau.

C'est guidé par ses émotions qu'il agit, dépourvu de tout contrôle de soi-même, car il semble que ce n'est plus sa partie humaine qui contrôle son corps, mais son instinct animal, son loup, qui le guide, a pris le contrôle.

Une odeur qui titille ses sens, jouant avec tandis que son loup intérieur, logé confortablement au creux de sa poitrine, ronronne de plaisir, les oreilles dressées vers le haut, à l'alerte de la propriétaire de cette effluve qui risque de le rendre fou.

De celle qui semble avoir dressé et rendu docile son loup intérieur de l'arôme qui émane d'elle seulement.

Ses pas martèlent le goudron, les visages se confondent les uns avec les autres tandis qu'il la cherche, se déplace  avec une aisance presque révoltante à une vitesse ahurissante, peut-être un peu trop rapide pour être tout à fait normale, c'est-à-dire propre à l'humain.

L'hybride lâche un grognement sourd, sa vision volée par des inconnus alors qu'il n'en cherche qu'un, qu'une odeur, qu'un visage.

Une femelle.

Il sent, il sait que c'est une femelle avant même de l'avoir vu.

Puis, il l'aperçoit.

C'est peut-être ses cheveux bruns qui retombent délicatement sur ses épaules avec la grâce d'un ange, c'est peut-être ces quelques mèches qui sont légèrement soulevées par la brise d'hiver, c'est peut-être son visage légèrement confus et ses sourcils un tantinet froncés, ses lèvres insupportablement rosâtres, si embrassables qu'il damnerait son âme pour pouvoir les effleurer des siennes, les caresser comme si la vision d'un lendemain leur était interdite, ces glorieuses lèvres écartées, une respiration qu'elle avait retenue s'échappant dans une brumasse due au froid, qu'il devine plus qu'il ne voit, c'est peut-être ses yeux d'un vert émeraude trop pâle qui le fixe avec confusion et étonnement.

Non, Jeon Jungkook ne se sent pas vivre, ne se sent pas bien, ne se sent pas enfin respirer.

Jeon Jungkook se sent dévoré par l'avidité de ses émotions.

Et il adore ça.

Le loup-garou qui réside au fond de son torse ronronne de plaisir et fixe la jeune femme de ses yeux désormais brillants d'adoration, se délectant de la vision parfaite qu'on lui offre, mouvant sa queue de gauche à droite.

Jeon Jungkook a trouvé son autre moitié.

Iris.