Quand nous avons terminé notre récit, c'est tout juste si Savannah ne se met pas à applaudir.

- Je suis vraiment contente que ça ait marché entre vous. Qui l'eut cru, hein? ajoute-t-elle avec un clin d'oeil.

- S'il te plait, ne dis rien à personne. Tu vois, c'est tout nouveau pour nous et on ne voudrait pas que tout le monde soit au courant et que ça crée des histoires, tu comprends? hésite Aidan.

- Totalement. Ne vous inquiétez pas, c'est bien gardé avec moi.

À peine a-t-elle fini sa phrase qu'elle plisse les yeux et se ravise:

- Attendez une seconde. Je ne dirai rien, mais à une seule condition.

La panique s'empare de moi. Bon sang, mais que peut-elle bien demander de plus? Je regarde le prince, qui hausse les épaules. Visiblement, il n'en a pas la moindre idée lui non plus.

- Euh... oui?

- Je veux voir un bisou. Là, devant moi.

Son sourire satisfait que je lui connais si bien réapparait. Je soupire. Je m'attendais à bien pire comme requête.

Aidan sourit de toutes ses dents.

- Ça, on peut le faire.

Je rougis un peu à l'idée de faire ça devant mon amie, mais Aidan approche mon visage du sien en me prenant de son doigt sous le menton et une fois de plus, ses lèvres fondent sur les miennes. Chaque fois est meilleure que la précédente, et je ne me lasserai jamais de la sensation que ce toucher me procure.

Lorsque nous nous retournons vers Savannah, elle a les yeux écarquillés et elle doit certainement battre toutes les boules de feu qui pouvaient emplir mon regard tout à l'heure. Je rigole devant son air ébahi.

- N'en fais pas tout un plat, tout de même!

Elle me regarde en souriant, l'air de dire «tu vois, je t'avais dit que ça pouvait être possible». Eh oui S, une fois de plus, tu avais raison.

La première cloche retentit, me faisant sortir du pays des merveilles. En sa présence, je perds totalement la notion du temps, c'est pas croyable. Le sourire qui était gravé sur mon visage s'évanouit lorsque ma si gentille conscience me rappelle que j'ai cours avec les deux personnes que je déteste le plus au monde pour tout l'après-midi. Super.

Je me lève et Savannah s'excuse en partant à la course en se remémorant qu'elle n'a pas fini de copier son devoir. Je regarde aux alentours pour être certaine que personne ne nous épie.

- Bon, on se revoit en sciences, chérie?

Je me retourne vivement, sous le choc. Une décharge parcourt tous les membres de mon corps au simple son de ce mot. Vient-il vraiment de m'appeler sa chérie?

Ses yeux se plantent dans les miens et ses joues rosissent. Je lui saute dans les bras et lui arrache un dernier baiser avant de sortir des buissons rapidement pour me rendre en classe. Nous ne passons pas par le même chemin, question de ne pas éveiller trop de soupçons. Je tiens vraiment à ce que personne ne soit au courant. Les ragots circulent si vite dans cette toute petite ville...


J'arrive tout juste avant la deuxième cloche et à ma grande déception, le dernier pupitre de libre se trouve directement à côté de Mandy. Génial. Je m'assieds et fixe le tableau droit devant moi.

- Tiens donc, mais qui voilà? Tu as bien récupéré après ta petite course, j'espère, parce que le spectacle ne vient que de commencer. Si j'étais toi, je garderais mes forces pour plus tard. Tu n'as pas idée de ce qui t'attend...

Je ne cille pas. Elle veut me faire peur, voilà tout. Bon, peut-être cela fonctionne-t-il un peu, mais je ne lui céderai pas. Pas tout de suite, en tout cas.

Je n'arrive pas à me concentrer. Tout au long du cours, Mandy ne cesse de me faire des remarques désobligeantes et de m'agacer de toutes les façons possibles. Bien sûr, comme nous sommes au fond de la classe, le professeur ne se rend compte de rien. Je deviens de plus en plus irritée, et quand elle fait tomber tous mes crayons sur le sol, c'est la goutte qui fait déborder le vase. Je me retourne vivement vers elle.

- T'as fini oui?!

J'ai parlé un peu plus fort que prévu. Monsieur Peters s'arrête dans sa phrase et tout le monde se retourne vers moi. Je suis à bout de nerfs et sur le moment, je n'ai qu'une seule envie: de tous les envoyer se faire promener.

- Mademoiselle Curtis, y a-t-il un problème?

Sur l'adrénaline, je me lève subitement:

- Oui, monsieur, il y a un problème, et un très gros!

- Je vous écoute.

J'entrouvre la bouche, mais Mandy se lève à son tour et parle à ma place:

- Excusez moi de déranger votre cours, monsieur Peters, toute cette théorie, c'est franchement intéressant, mais ma camarade de classe que voici n'arrête pas de me déranger en me passant des petits bouts de papiers. D'ailleurs, je pense que vous voudrez  peut-être lire celui-ci...

Je la fixe, éberluée. Mais que raconte-t-elle, bon sang?! C'est elle qui n'arrête pas de murmurer depuis le début du cours!

Mon regard passe de Mandy à monsieur Peters, qui fronce les sourcils.

Avant que je n'ait le temps de répliquer quoi que ce soit, Mandy est à l'avant de la classe et tend un bout de papier que je n'ai jamais vu auparavant. L'enseignant le déplie et ses yeux deviennent de plus en plus ronds à mesure qu'il lit en silence les mots que j'ignore totalement. Quand il a terminé, il froisse la feuille et la jette brusquement dans la poubelle. La responsable de tout ce cinéma baisse le regard, jouant les victimes.

- Je suis vraiment navrée, je pensais seulement que vous devriez être au courant. À distraire les autres comme ça en cours, je pense qu'April devrait être punie pour ses actions.

- Vous avez totalement raison, s'exclame le professeur en colère, mademoiselle Curtis, rendez-vous chez le directeur, et immédiatement!

Je panique et lève les bras au ciel.

- Quoi? Mais monsieur, vous ne comprenez pas! Je n'ai rien...

- Pas un mot de plus, j'ai dit!

Mandy revient s'asseoir et aussitôt qu'elle a le dos tourné à la figure autoritaire, son air abattu laisse place à un regard de victoire démoniaque. Je pourrais jurer voir apparaître de petites cornes rouges sur sa tête. Le feu me monte aux joues tandis qu'elle range ses feuilles et son crayon.

- Oups. On dirait bien que mademoiselle parfaite a échoué.

Je bous à l'intérieur de moi, j'ai l'impression qu'un volcan endormi depuis trop longtemps est prêt à exploser à tout moment.

- Je vais te!..

- Tutut. Non, April, tu ne vas rien me faire, tu étais sur le point de partir, ne te rappelles-tu pas? 

- Mademoiselle Curtis! Je ne le répèterai pas une fois de plus.

J'ignore totalement monsieur Peters, mes yeux sont trop occupés à foudroyer ceux de satan.

- Oh, avant que tu partes, ma jolie, un petit conseil: Sois gentille avec monsieur Harris, je suis certaine que ce ne sera pas ta dernière visite dans son bureau.

Elle me fait un clin d'oeil tandis que je ramasse le restant de mes crayons sur le sol.

Reine du BalWhere stories live. Discover now