1 | Ambroise

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Dans Stuck in love, un bon film avec Logan Lerman et Lily Collins, le père écrivain d'un des personnages dit que le plus difficile à écrire dans un livre, c'est la phrase d'accroche. La première phrase doit être mystérieuse, donner envie au lecteur de poursuivre sa lecture, l'intriguer un minimum. J'aurais bien aimé écrire un jour, le problème ; Je ne trouve rien à dire d'intriguant. Je ne me trouve pas intrigante, en fait je me trouve rien du tout. Je manque trop de conversation au quotidien, incapable de construire une phrase complexe. Ou bien quand je m'y adonne, je m'emmêle dans tous ces mots, je me perds dans ce que je veux dire. J'ai cette voix dans ma tête qui me fait douter de ce que je suis en train de déblatérer et dès que je me mets à douter, c'est fini, je bégaye et mon speech n'a plus aucun sens. Alors, une phrase d'accroche? C'est bien trop dur. 

Paradoxalement, vous aurez remarqué que j'ai trouvé une phrase d'accroche.

Je pense que les autres me trouvent intrigante. Enfin, ils pensent que je suis mystérieuse sur le moment. Mais à part dans les séries ou les films, le mystère est éphémère. Ils se lassent très vite et deviennent rapidement indifférent à ma personne. La souffrance d'autrui ou les sentiments un peu plus profonds que d'ordinaire ne semblent effleurer l'empathie du monde que lorsqu'ils ont accès à un dossier complet, des preuves de la souffrance, une attache à la famille du protagoniste. Et encore, les protagonistes principaux sont souvent détesté puisque leurs problèmes sont souvent au centre de l'histoire. Et qui pourrait se réjouir d'un récit qui s'applique à peindre la vie d'un gris aussi démoralisant que celui de notre dure réalité? Non. Les gens n'ont pas envie de perdre leur temps avec les êtres singuliers, ou rongés par l'anxiété. Heureusement, pour changer ça, j'avais travaillé dur ces dernières vacances.

J'en ai marre de toujours avoir peur d'ouvrir la bouche. Les mots c'est surfait. Rien ne peut décrire quelqu'un, capturer son essence même. Parce que si on réfléchit bien ; le dictionnaire est complètement bidon. On décrit un mot par d'autres mots qui sont aussi décrit par des mots. Une définition n'a de sens que si la phrase a un contexte bien précis. En d'autres mots ; les mots ne peuvent avoir une signification que en se basant sur la composition de mots, ce qui précède les mots et ce qui les suivent. Les mots ne peuvent pas décrire une personne, en revanche je pense qu'ils sont plus similaires aux humains qu'on ne le pense. Personne ne les connaît vraiment. On arrive à capter l'idée générale, la définition globale, comme personne ne connaît vraiment ses amis. Et je ne dis pas ça à cause de ma mauvaise adaptabilité sociale une mauvaise, ou d'une mauvaise expérience. J'ai pas vraiment eu d'expériences sociales et pourtant je me permets de faire des thèses sur la vie. Ce n'est pas non plus parce que j'ai vécu une immense et atroce trahison que je suis devenue une cynique de la vie. 
Non. C'est parce que au fond, personne ne se connaît déjà personnellement. Peu de gens savent réellement pourquoi ils sont là, quel est leur but, leur vrai essence. Qui a la prétention de pouvoir dire qu'il lit dans les autres comme il livre ouvert? Je vis avec ma soeur depuis ma naissance, logique, et pourtant je ne prétends même pas la connaitre un tant soit peu. En même temps, Calixte est assez spéciale, peut-être même plus que moi... Mais revenons au sujet principal, il y aura toujours une situation ou une personne pour vous surprendre. Boulverser vos habitudes par une nouvelle information, un ultimatum, un imprévu ou un nouveau fonctionnement. Si le subconscient a ses propres secrets auxquels nous n'avons pas accès, des principes même de notre personnalité que nous ignorons totalement ; alors comment les mots peuvent pourrait décrire une personne tant que le subconscient lui ne dit rien? Et comment être une personne consciente, lucide, et libre lorsqu'on a un subconscient ?

Tout ça pour dire que les mots c'est débile et que je m'appelle Ambroise. Mes amis préfèrent m'appeler Ambre. Hum... J'avais oublié, je suis sous serment de vérité, j'ai beaucoup trop l'habitude de baratiner désolée, c'est une sorte de réflexe. En étant tout à fait honnête, on m'appelle pas vraiment Ambre, d'ailleurs on m'appelle pas du tout. En fait, c'est principalement ma mère et ma soeur qui m'ont donné ce surnom,  Anna-Sophia n'a fait que suivre le mouvement. C'est ma meilleure et seule amie, pour l'instant. Comme je vous ai dit, j'ai concocté un petit plan pour me sortir de ce trou sociale. 

Je vous ne parlerai bien mais vous verrez bien assez tôt, en plus je saisis de moins en moins ce que je raconte. Je n'ose pas imaginer la galère que ce sera de relire ces notes. Je ne comprends même plus trop ce que je fais et la thèse que je viens d'imaginer. L'effet du joint de ma soeur commence à monter un peu. Elle est cool, Calixte. Moins si elle savait que je lui ai piqué sa fin, mais on va éviter de penser à ça. On s'entend bien et ça aussi c'est cool. Elle a deux ans de plus que moi, je trouve ça parfait, ni trop peu, ni pas assez. Attendez, ni trop peu, ni... Bref, vous avez compris. On peut partager beaucoup de choses ensemble et pas trop en même temps. Comme quelques taffes sur un toit la nuit de la rentrée. C'est la première fois que je fume aussi longtemps. D'habitude c'est seulement une taffe pour paraître cool and "chiller" avec ma soeur. Mais maintenant c'est différent. J'arrive à fumer un joint entier tout seule, je sais que c'est pas vraiment un exploit surtout pour mes poumons, mais cela reste un changement et tous les changements de cette année doivent être inscrits. Pour commencer, pendant cet été j'ai eu l'impression d'avoir... changé. Pas que parce que mes seins ont enfin poussé et que j'ai été obligé de piquer le rasoir de Calixte. Cela avait plus avoir avec le regard des garçons, ses vifs moments où je les prenais à me reluquer alors que je portais mon vieux pyjama sur la pelouse de mon jardin. Même quand je sortais avec ma soeur ( toutes les filles qui sont les benjamines de leurs familles voient ce dont je parle ), j'arrivais tout de même à décrocher deux trois sourires à côté du top model qu'était ma soeur. Bien sûr, je sais que la majorité resteront obnubilés par Calixte, mais on me voit et on commence à me regarder, peut être même que l'on me considère.  Je vois bien que les choses changent, et par conséquent je me dois de changer aussi. Alors, j'ai explosé ma tirelire dans l'allée du garage et j'ai investi dans un tas de masques et de soins. J'ai troqué mes lunettes pour d'affreuses lentilles que je ne supporte même pas ; vive les standards de beauté et fuck la santé. Ma mère a un peu protesté mais je lui ai assuré que je devais simplement m'adapter, je sais qu'elle n'a pas compris pourquoi je me forçais à être inconfortable de la sorte mais je n'ai pas précisé que c'était pour être plus jolie.

Tout est en ordre maintenant, le stratagème ne demande plus qu'à être mis en action. J'ai besoin d'une bonne nuit de sommeil pour être en forme, et ma peau aussi apparemment. Je m'affale sur mon lit après avoir appliquer un masque bien trop glacial à mon goût. Je jette un dernier coup d'oeil à la pièce, balayant chaque objets du regard. Ma valise est bien faite, remplie principalement par mes uniformes, aucun pantalon cette année mais uniquement des jupes. J'ai supplié ma mère de ne m'acheter que des vêtements pour mon anniversaire cette année, au cas où je serai désormais invitée à des évènements le week-end. Sous les draps, je gigote légèrement les jambes à cette pensée, la sensation des draps contre mes jambes fraichement épilées est exquise. Sur ma commodes, des tas de nouveaux achats de beauté sont étalés. Je ne les ai pas encore rangé puisque j'ai encore une longue routine pour demain matin. Demain ne peut être que parfait. Tout est calculé et si je suis tout à la lettre, cette année me réussira enfin, c'est certain. Je n'ai pas risqué ma vie pour déchirer les pages d'astuce beauté dans les magazines de ma voisine Marguerite pour rien. Cela doit fonctionner et va fonctionner. Je dois être quelqu'un coûte que coûte. 


Alors que j'énumère les étapes de mon planning pour la rentrée de demain, il devient de plus en plus dur de garder les idées claires. Ma vue se trouble et mes produits de beauté se mélangent soudain dans mon esprit, tourbillonnant, soudainement dotés de la parole ils créent des phrases sans significations apparentes, des scénarios farfelus et autres bizarreries appartenant au monde des rêves.


Le club des coeurs solitaires.Where stories live. Discover now