trente-six // twitter

Start from the beginning
                                    

Après cette séance, il avait cru qu'il progresserait à pas de géant. Peut-être pourrait-il voir Clara non plus chaque semaine, mais chaque mois? Peut-être son médecin l'autoriserait-il à lâcher les médicaments? Ça faisait déjà sept mois, après tout, qu'il prenait une gélule de 75 milligrammes au petit-déjeuner. Hélas, il continua à voir Clara chaque mardi soir et à avaler sa gélule chaque matin : pour une raison qui lui échappait, la vie lui paraissait toujours aussi laide, toujours aussi morne.

C'était vraiment à n'y rien comprendre. Clara aussi semblait perdue. Pendant des heures, il lui avait parlé en long et en large de sa relation avec ses parents et ses amis, et de sa jeunesse marquée par la crosse et les livres. Il avait aussi abordé sa rupture avec Harry — sauf du secret des Origines du mal qu'il se refusait à dévoiler, même sous le sceau de la confidentialité — ainsi que de ses sentiments contradictoires envers lui, l'homme à qui il devait tout et qui avait disparu de la circulation au mois d'août 2008.

La question était donc : pourquoi, après tant d'efforts, n'obtenait-il pas de résultats concrets? Autrement dit, pourquoi n'allait-il pas mieux? En désespoir de cause, Clara l'avait récemment poussé à s'intéresser de nouveau à l'écriture (qu'il avait complètement délaissée suite à sa rupture avec Harry), ce qui lui redonnerait avec un peu de chance le goût de vivre.

Voilà donc où ils en étaient aujourd'hui : à discuter d'écriture, faute d'avoir trouvé la véritable source du malheur de Marcus.

— Vous n'avez pas d'inspiration? répéta Clara, pleine d'indulgence. C'est pour cette raison que vous peinez à commencer votre roman?

Marcus s'excusa avec un sourire contrit, il était dans la lune.

— Sans doute, admit-il. Écrire... Sans lui, ce n'est pas la même chose. C'est plus difficile.

— Sans Harry, vous voulez dire?

Il opina de la tête, la tête à présent enfoncée contre sa paume. Il avait renoncé à s'éventer avec sa main, il gaspillait son énergie.

— Ça va faire deux ans cet automne, murmura-t-il. Deux ans, déjà.

— Vous n'avez jamais songé à refaire votre vie?

Il fronça les sourcils.

— Avec quelqu'un d'autre? Jamais.

— Certaines personnes ont besoin de plus de temps que d'autres pour tourner la page sur une relation, Marcus. Rappelez-vous ce que je vous ai dit l'autre jour : vous n'avez pas à avoir honte de vos sentiments.

— Mais mon état ne s'améliore pas, il doit bien y avoir une raison, s'irrita-t-il malgré lui.

Clara releva la tête de son bloc-notes et l'observa, son regard d'un calme olympien. C'est ce qu'il aimait le plus chez elle : elle le laissait exprimer sa rage comme il le désirait. Lors de leur toute première séance, il était allé jusqu'à l'insulter pour qu'elle sorte au moins une fois de ses gonds sinon qu'elle lui intime de se calmer. À son plus grand désarroi, elle s'était contentée de l'observer comme elle le faisait en ce moment, sans dire un seul mot.

— Désolé, marmonna-t-il pour la forme.

Elle lui sourit.

— Bien sûr qu'il y a une raison, Marcus. Mais comme je ne suis pas dans votre tête, c'est à vous, et à vous seul, de la trouver. Moi, je ne suis là que pour vous guider.

Il roula les yeux sans pouvoir s'en empêcher. Il détestait qu'elle ait raison.

— Oui, je sais.

Rimbaud et LolitaOn viuen les histories. Descobreix ara