#01 • L'effet papillon, partie une

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Lundi 3 octobre 2016, 8h20.

Clive se tenait avec droiture face au miroir de sa salle de bain. Figé devant le carreau depuis une bonne dizaine de minutes, il ouvrait ridiculement sa bouche. Ses canines de vampire ne se montraient pas. Un an s'était écoulé depuis son arrivée à Oneria Hills et dégainer ses crocs relevait encore de l'impossible.

Allez quoi, t'es en seconde tout de même ! pesta-t-il contre lui-même.

Tous les vampires qu'il fréquentait maîtrisaient au moins ce petit tour d'intimidation. Ses notes dans les matières surnaturelles se voyaient bancales au possible ; l'équipe enseignante l'avait menacé de redoublement l'année précédente, et ses parents avaient dû enchaîner les rendez-vous et les courriers pour satisfaire son envie de passer en classe supérieure.

 Et dire qu'ils sont même pas au courant...

Effectivement, les parents et divorcés Georges et Natasha Allister ne possédaient pas de sang surnaturel. Cela faisait de Clive l'unique être paranormal de sa lignée - et il lui était donc difficile d'expliquer comment sa moyenne d'histoire-géographie se cantonnait à un petit neuf à cause de l'histoire surnaturelle.

Finissant par capituler face à son échec cuisant, Clive libéra la salle d'eaux. Il engloutit deux tranches de pain tartinées de beurre - ou peut-être fallait-il spécifier que c'était le pain qui tartinait l'énorme couche de beurre - et évacua son immeuble.

La ville de Whiterun n'avait rien d'extraordinaire. Elle se présentait comme un enchevêtrement d'appartements et de résidences pavillonnaires. Clive passa une main dans ses boucles de jais pour canaliser son embarras - il venait de croiser une étudiante qui se dirigeait dans son ancien collège de banlieue. Aucun de ses anciens camarades ne se doutait que le garçon était doté d'une condition vampirique qu'il apprenait à contrôler dans un lycée spécialisé à l'autre bout du comté.

Il atteignit son arrêt de bus, à l'extrémité d'une grande avenue qui donnait sur l'autoroute rejoignant Norwich.

D'autres jeunes de quinze à dix-huit ans patientaient sous l'abri de verre. Certains étaient de tous nouveaux troisièmes, qui s'acclimataient peu à peu au « régime Oneria Hills ». Comme la coutume le voulait, Clive les toisa d'un air méprisant.

L'adolescent se posa contre une paroi en PVC qui encadrait l'habitacle.

 Eh, ça va ? salua un étudiant dans son dos.

L'interloqué reconnu la voix de Fares Austin, le beau marocain de première qui faisait chavirer le cœur d'une de ses meilleures amies, Viktoria. Mais pour Clive, ce n'était qu'une bille emmitouflée dans une carapace de muscles.

 Ça va et toi ? rendit-il.

 Ça va. Tu as appris ton texte ?

Le brunet se mordit la lèvre inférieure. Il avait totalement oublié l'atelier théâtre. Clive s'y était inscrit avec ladite Viktoria.

 Merde, jura le seconde. Tant pis, j'l'apprendrais en vitesse ce soir. Toute façon, j'ai pas beaucoup de répliques.

 Pas d'sushis, balança Fares pour détendre maladroitement l'atmosphère. Mais fais gaffe, le prof' va te tuer s'il le sait.

Clive voulut formuler une réponse quand le bus scolaire s'immisça à leur gauche. Les étudiants grimpèrent un à un à l'intérieur du véhicule.

Chaque matin, l'engin faisait le tour de Norwich avant de s'éloigner le plus possible dans les routes de campagne. Et quand il était loin des regards indiscrets, il actionnait le mécanisme de téléportation. C'est ce qui permettait aux élèves de réduire le temps de trajet pour accéder directement à Oneria Hills. L'école avait mis en place des fenêtres qui reliaient différents endroits du pays au lycée. Puisque elles ne s'avéraient pas assez puissantes pour transporter des centaines de jeunes, l'établissement avait établi ce dispositif de ramassage scolaire. Cela dissuadait les parents non-surnaturels d'amener leurs enfants en voiture et il était beaucoup moins coûteux en ressources magiques de téléporter un seul élément - à savoir le car - que des dizaines d'êtres vivants.

MOONSTRUCK | SAISON 1حيث تعيش القصص. اكتشف الآن