Lu sur un blog

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Cette nuit j’ai tué un homme.

Oh, bien sur, je vous imagine facilement, en train de vous esclaffer devant votre écran. Cet imbécile d’auteur, toujours bon a choquer le bien pensant. Que ne va-t-il pas inventer cette fois-ci ?

Mais cette fois, nulle invention, nulle fiction macabre de ma part. J’ai tué un homme, un parfait inconnu, cette nuit. Avait-il une femme, des enfants qui le cherche en ce moment ? Ou allait il quand je l’ai attrapé ? Aurait-il vécu encore longtemps sans mon intervention ? Finalement tout cela est assez trivial. Un homme est mort de ma main. C’est ce qui importe.

Le fait que j’ai choisit un inconnu, au dernier moment, parait évident. Je n’ai nulle envie qu’on remonte jusqu'à moi. Voila pourquoi j’ai procédé a Toulon, tard le soir. Voila pourquoi je ne vous décrirais pas cet homme.

Pourquoi est-ce que j’ai fait ça ? Je n’en sais rien. Probablement pour l’expérience. La curiosité. La même qui vous pousse a lire ce texte –cette narration de fait divers, pour être précis- et ceci jusqu'à son point final. Nulle chute ici. Un homme est mort cette nuit, je l’ai poignardé. Je suis assez fier de moi, soit dit en passant. L’exercice s’est révélé bien plus ardu que prévu. C’est que c’est solide un corps humain. On voit beaucoup de boucherie gratuite dans les films, mais enfoncer un couteau, même aiguisé comme le mien dans un homme, c’est pas si simple. Viser le cœur encore moins.

C’est que je ne suis pas un boucher. Je ne tenais pas à arpenter les rues de Toulon ensanglanté jusqu'à l’os – jolie image d’ailleurs- j’ai donc essayé de faire ça assez rapidement. Je pense que j’ai du accrocher quelques os quand même. M’est avis qu’un professionnel doit mieux s’y prendre. Mais la surprise était mon atout principal et m'a fait triompher.

Et au final quoi ? Rien. Pas de regard d’effroi tant attendu. Pas de révélation de l’au-delà dans ses yeux, d’image de moi-même en surimpression sur ses pupilles. Même moi je n’ai rien ressenti. Je n’y ait prit aucun plaisir. N’ai eut aucune érection, frénésie animale ou je ne sait quoi. Je m’attendais à beaucoup de possibilités mais rien de tout cela. Ni lui, ni moi n’avons eut l’impression de franchir un seuil quelconque. J’avais bien prit soin de ne rien boire, n’avait prit aucun produit d’aucune sorte, de façon à avoir mes sens alertes. Mais c’est une expérience très décevante dans son ensemble.

Je me suis débarrassé de son corps pas trop loin d’une plage. Avec un peu de chance on ne le retrouvera pas avant cet été. Et avant de faire un lien avec l’internaute débile que je suis, on sera large. Je vais poster cette confession un peu partout, de façon a ce que mon acte soit le moins crédible possible, évidemment. Et puis si jamais le corps d’un homme est retrouvé tantôt, je pourrais toujours dire que j’ai tout inventé, que c’était pour l’exercice de style. Ahah. Quelque part c’est là que je trouve l’expérience vraiment agréable. Le fait de la conter sur le web, en toute impunité, alors qu’une grognasse pleure peut être son mari disparut donne a l’affaire une espèce de conclusion plutôt intéressante.

Bon, cette histoire pitoyable s’arrête là. Je dois quitter mon clavier pour me laver a grandes eaux. J’ai du sang sous mes ongles, c’est pas très correct. Le sang d’un homme inconnu.

Un inconnu que j’ai tué cette nuit.

Au Sud du ParadisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant