Septième Mois

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"Dans la vie, il n'existe pas de classe pour les débutants, c'est tout de suite le plus difficile qu'on exige de chacun"

Rainer Maria Rilke.

Sauf que j'étais débutante, je débutais dans tout et je n'avais pas fini de débuter parce qu'à chaque nouvel obstacle, nous sommes tous des débutants.

C'était mon dernier mois de cours au Lycée, d'ailleurs, les tensions s'étaient calmées bien que certaines personnes venaient toujours me chercher des ennuis. Souvent, elles repartaient aussi vite qu'elles étaient venues puisque mon ''garde du corps'' débarquait presqu'en beuglant de nous laisser tranquille sinon il leurs ''casserait la gueule'', c'étaient ses mots. Oui oui, c'était Adam. Il me faisait tellement rire.
Les professeurs étaient plutôt impartiaux exceptées celles qui étaient mères, elles étaient plutôt compréhensives lorsque ma vessie se faisait trop petite.
Mes copines m'avaient unanimement lâchée mais cela m'était complètement égal parce que mon bébé avait un père et tout l'amour qu'il lui fallait. À vrai dire, j'étais même contente qu'elles ne m'adressent plus la parole. J'avais cependant fait une nouvelle rencontre, une vraie copine cette fois-ci. C'était elle qui avait appelé les pompiers lors du massacre de mon cinquième mois et elle qui m'avait accompagnée à l'hôpital. Depuis, nous passions nos journées ensemble et un bon nombre de ses ''amis'' l'avaient également abandonnée parce qu'elle restait avec moi. Le courant entre Alice et moi était immédiatement bien passé. Le soir, elle venait chez moi, nous révisions ensemble et elle m'aidait pour de diverses tâches. Ensuite, j'allais travailler, et bien que j'étais exténuée, c'était un pur plaisir de discuter avec les clients, il y avait une ambiance agréable et mes collègues étaient cléments et sympathiques.
Mais tout ne se passait pas toujours bien, mon mal de dos s'accentuait de jour en jour, mon ventre était plus qu'énorme, je m'essoufflais rapidement et heureusement pour moi que les cours à domicile avaient commencé et que j'allais bientôt pouvoir arrêter de travailler. Alice passait chaque soir pour me déposer les cours de la journée en complément des cours personnels. J'avais enfin passé mon code que j'avais obtenu en raison de mon assidu travail. Une date pour commencer les cours de conduite avait été fixée quatre mois après l'accouchement, cela me laisserait le temps de m'en remettre, de passer mon bac, et de trouver un réel équilibre dans ma vie.
D'autres choses étaient difficiles notamment lorsque je me promenais dans la rue, le regard des gens était pesant et leurs remarques désobligeantes encore plus. Durant un certain temps, je ne voulais plus sortir de chez moi de peur de me faire encore critiquée, et ce fut Adam qui m'avait finalement fait changée d'avis. Il m'avait affirmé que c'était bon pour le bébé, ce seul argument avait suffit pour que j'accepte de subir le jugement des autres. Ironie du sort, j'avais recroisé la pharmacienne qui ne s'était pas gênée pour venir me refaire une remarque aussi méchante que stupide :

-Alors on l'a gardé à ce que je vois ? se moqua t-elle.
-Qu'est ce que cela peut bien vous faire ? l'agressai-je.
-Mais rien, ce n'est pas moi qui prends trente kilos, me nargua t-elle.
-Je vous admire. Sincèrement, j'admire le fait que vous puissiez passer votre vie sans jamais avoir la chance d'aimer quelqu'un et j'admire encore plus le fait que jamais vous ne serez aimé, répondis-je en souriant.

Un très beau proverbe disait :

"Si quelqu'un te jette une pierre, jette lui une fleur, mais n'oublie pas de lancer le pot avec."

Ses remarques ne m'atteignaient pas.
Ce qui, en revanche me touchait énormément, c'était de voir des adolescents s'éclater comme des fous, je comprenais alors que mon adolescence était finie. Je voyais ce que je n'avais jamais vécu et ce que je ne vivrais jamais. Mais la joie d'être maman comblait cette perte même si au fond de moi, je savais que j'aurais été mère un jour ou l'autre et que j'aurais pu avoir le temps de vivre mon adolescence, seulement, la vie m'avait offert un autre choix et j'avais décidé de suivre ce chemin.

Aujourd'hui, c'était la troisième et la dernière échographie. Mon émerveillement grandissait lorsque le médecin me montrait ses petits doigts et sa tête. Mes parents et Adam étaient également venus, ils s'attendrissaient tout autant que moi face à cette petite bombe. C'était vraiment étonnant de voir à quel point un si petit être pouvait rapprocher les gens. Le médecin m'avait également confirmé la position retournée du bébé, il avait dit que c'était, pour le moment, un beau bébé, que son développement progressait bien et m'avait conseillée d'aller à la piscine, chose qui ne serait que bénéfique autant pour l'enfant que pour moi.
Et ce fut ainsi que je me retrouvais à la piscine une semaine plus tard. Je préférais y aller un mardi après midi, excellent choix puisqu'elle était vide. Je faisais quelques longueurs à la brasse puis m'arrêtais au milieu de l'eau pour faire la planche. Mes oreilles étaient plongées dans l'eau et le calme de celle-ci m'endormait presque. J'aimais cette sensation, j'avais l'impression d'être seule au monde, d'être la dernière personne à exister sur Terre, que le temps s'arrêtait. Ma respiration devenait de plus en plus lente, j'avais la sensation que nous n'étions que tous les deux, que plus rien ne comptait. L'impression d'être isolée du reste du monde.

-Je ne peux rien te promettre, destinai-je ces mots à mon bébé.

Je respirais doucement puis repris.

-Je n'ai jamais été maman, et je ferai des erreurs, mais j'espère que tu me les pardonneras. Une chose que je te promets en revanche, c'est que tu seras entouré d'amour et de joie et que jamais, jamais tu m'entends, je ne t'abandonnerai. Jamais.

Je sentis mon bébé bouger, comme à chaque fois que je lui parlais. À croire qu'il bougeait pour me répondre, et à chaque fois, je finissais par pleurer d'émotion. Peut-être que les hormones y étaient aussi pour quelque chose...
Et à chaque fois que je disais : ''Il bouge ! '', mes proches se précipitaient pour venir toucher. Mais ils avaient en même temps peur de lui faire mal, de l'abîmer, comme s'il s'agissait d'un chef d'oeuvre, ce qui était plutôt amusant à voir.

Chaque jour, j'essayais de trouver un moment de tranquillité, un moment pour ma p'tite bombe et moi, un moment qui contrastait avec mes journées encore chargées.

Sinon, j'eus une expérience pour le moins désagréable ; le colostrum. Ce lait sécrété dans mes glandes mammaires s'était écoulé dans mon soutient-gorge. Telle ne fut pas ma joie lorsque je l'avais découvert... À vrai dire, cela m'avait presque répugnée alors que je savais pertinemment que c'était naturel. J'avais, en outre, choisi d'allaiter mon bébé après sa naissance pour deux raisons. La première étant que c'était un lait naturel, et la seconde que cela me faisait faire des économies.

Adam et moi avions trouvé un arrangement de façon à ce que nous puissions garder le bébé tous les deux. Nous avions décidé d'alterner une semaine sur deux afin de pouvoir nous reposer, étudier et travailler chacun de notre côté. Évidemment, si l'un de nous aurait un quelconque soucis, il pourrait compter sur l'autre. Adam avait également dû arranger sa chambre, ce qui l'avait légèrement fait grimacer.
De plus, nous avions prévu une sortie à trois toutes les deux semaines afin d'éviter de nous perdre dans la routine et de profiter aussi un maximum de notre enfant. Et puis, nous voulions aussi qu'il passe du temps avec ses deux parents. Notre organisation s'était faite minutieuse et méticuleuse. Une organisation qui n'échappait pas à mes parents, ils semblaient plutôt soulagés de remarquer que nous ne prenions pas les choses à la légère.
Mais je savais que malgré cette organisation, nos vies allaient être compliquées en plus d'être mouvementées. Tout était organisé mais rien n'était prévu.

Ma petite Bombe Où les histoires vivent. Découvrez maintenant