"aimer" sur un mur abîmé

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musique accompagnatrice ⬆

J'aurais aimé te dire ces mots qui m'étaient si importants, lorsque tu étais à mes côtés. J'aurais aimé te les dire mais peut-être ne savais-je pas encore leur véritable signification, à cette époque.

Là, derrière cette haute barrière usée entre-ouverte, laissant à la haute herbe sa liberté de se répandre, je fixais ta maison. Cette maison qui avait effacé toutes traces de vie au moment même où j'ai compris que tu étais partie, toi, avec ton petit frère, ta mère et ton père. Comme ça. Sans aucun au revoir. Sans même peut-être un regard en arrière.

Désormais, ces hautes et mauvaises herbes enlacent ta demeure. Tes volets sont restés ouverts, depuis tout ce temps. Normalement, on ferme nos volets quand on part, mais pas toi. Pas ta maison. Alors j'avais encore cet espoir, en moi, qu'un jour peut-être tu reviendrais pour les fermer. Tu m'aurais sûrement regardé, tes éclats dans tes yeux auraient suffit pour que je comprenne que tu n'avais pas le choix de partir.

Tu n'avais pas le choix.

Mon espoir volatilisé, il est probablement parmi ces mauvaises herbes, désormais. Emprisonné à jamais.

C'est comme enfreindre une règle lorsque mes pas écrasent cette abondante verdure, et pourtant. Oh, tu ne peux certainement pas savoir comme cette maison m'est désormais étrangère. Aussi insipide qu'est ce soleil brûlant sans toi et aussi morose qu'est la rue que tu aimais tant, ta maison avait bel et bien perdu toutes couleurs de la vie.

C'est étrange, tu ne trouves pas ? C'est étrange la façon dont les belles choses disparaissent.

Si ma raison me dit d'ouvrir cette porte, mon coeur quant à lui submergé par la douleur affligée par le temps ne me donne pas la force d'effectuer ce geste.

Mais j'y parviens.

Mon corps me fait mal, mon coeur crie, mon esprit hurle au moment où la porte s'ouvre en grinçant.

Je suis là. Je suis là ! J'entends les cris de joie jusqu'à mes oreilles qui s'infiltrent dans mon être ; nos cris de joie, nos murmures, nos rires que cette maison a gardé enfermer durant toutes ces années, sans jamais s'en aller. Je sens le bonheur, le plaisir et je te vois. Non, je ne suis pas fou. Tu es devant moi, ton bras tendu vers moi. Alors je tends le mien dans l'espoir de toucher ta peau tendre.

Puis je cligne des yeux. Et tout est parti. Un courant d'air s'insinue dans le couloir, refermant la porte d'un claquement sinistre. Il ne reste plus que la poussière des années passées, et des brides de souvenirs recouverts de ces épaisses couches poussiéreuses, prisonniés du jour et devenus sans saveur.

Et le vide profond.

C'est seulement quand j'entre dans ta chambre, tes draps de ton lit défaits, un cadre par terre et une poupée près de la porte que je prends enfin conscience que tu as du partir de force. Je ne pouvais pas m'admettre une réalité si amer.

Je m'approche de la fenêtre et je le vois. Sur le mur humide. Nos traits hésitants formant notre écriture maladroite.

《 Aimer 》

Le mot qui nous était si étrange et personnel quand nous étions gamins.
Je t'ai toujours aimé, en fin de compte, même quand je ne savais pas encore ce que voulait dire ce mot, je t'aimais.

Comme toi, elle était le rayonnement de ces endroits délaissés.

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