18. C'est la fin, mamzelle Jeanne.

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« - Mamzelle Jeanne, v'nez vite ! »

J'ouvris les yeux, sursautant quand une main se posa sur mon épaule. Je me retournai brusquement, dans les draps, et tombai nez à nez avec Beth. Son regard était paniqué :

« - C'est vot' père ! »

Aussitôt, je me relevai, et me précipitai dans la chambre de mon père, sans prendre la peine de me couvrir.

La plupart des domestiques étaient déjà présents dans la pièce. Sans les voir, je m'agenouillai auprès de mon père. Son visage était violacé, et sa respiration de plus en plus sifflante. Madge s'agenouilla à mes côtés :

« - C'est la fin, mamzelle Jeanne. »

Je secouai la tête, murmurant :

« - Non, ce... Ce n'est pas possible... »

Elle me prit dans ses bras. Mais le regard fixé sur mon père, je le voyais tout de même haleter, peinant à respirer. Je soufflai :

« - Il ne peut pas mourir... Pas maintenant !

- J'suis désolée... »

Je fondis en larmes. Madge me serra contre elle, me berçant doucement :

« - Vous devriez pas rester là, mamzelle. C'est pas pour vous.

- Il est hors de question que je le laisse. »

Je m'écartai pour essuyer mes larmes, et déposai lentement ma main sur le front de mon père, caressant sa peau en pleurant :

« - Je vous en prie... Restez avec moi... »

Il n'eut aucune réaction. Sa respiration se fit encore plus lente, silencieuse. Ma gorge se noua douloureusement. Je n'en pouvais plus de souffrir perpétuellement ! Je posai ma tête à côté de la sienne, prenant ses mains entre les miennes pour les presser doucement.

Soudain, il eut une brusque inspiration, juste avant de se raidir, la bouche entrouverte. Je me redressai en ouvrant de grands yeux, et me plaquai les mains sur la bouche. Il ne respirait plus. J'attendis un instant, fixant sa poitrine dans l'espoir de la voir se soulever, mais... Il ne respirait plus. Je ne pouvais que répéter, la voix brisée :

« - Oh non... Non... Non ! »

Je m'agrippai à ses épaules, le secouant, espérant le voir ouvrir les yeux, et me dire qu'il m'avait bien eue, que sa blague était réussie, comme il faisait lorsque j'étais petite. Mais il ne bougeait pas. J'éclatai en sanglots, m'effondrant sur son torse, et pleurant toutes les larmes de mon corps. Maintenant, j'étais seule. Vraiment seule.

J'entendis vaguement la porte se refermer. Puis, des mains me prirent par les épaules, m'éloignant doucement du corps de mon père. Je me laissai faire, abattue. J'avais envie de mourir aussi, pour ne plus souffrir.

« - Soulève-la, Gaston, et emmène-la dans sa chambre. Donne-lui de quoi dormir. »

C'était Madge. Je sentis vaguement des bras me soulever. Je me laissai soulever, fermant les yeux pour ne plus rien voir.

La personne qui me portait m'allongea sur un matelas. J'entendis une voix masculine :

« - Tenez mamzelle Jeanne. Ça vous fera dormir. »

J'ouvris lentement les yeux. Gaston, un des palefreniers que je connaissais depuis mon enfance, me tendait une tasse. Je balbutiai, la voix rendue rauque par les sanglots :

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