vingt-huit // pénultième (2)

Start from the beginning
                                    

Une fois que Daisy les eut rejoints, près du mur, Marcus remarqua qu'elle tenait à la main deux verres en plastique rouges. Elle en tendit un à son ami le gothique qui lui offrit un maigre sourire de remerciement. Il en but une gorgée et grimaça.

— Du punch aux fruits? s'étonna-t-il, déçu.

Daisy haussa les épaules.

— Désolée, ma mère est impitoyable.

Comme des mineurs avaient aussi été invités à la fête, Dolores s'était portée volontaire pour jouer au barman : elle servait volontiers bière, vin, champagne et autres consommations alcoolisées aux adultes, mais n'offrait que du punch aux fruits — sans alcool — aux adolescents.

— Elle a raison de l'être, intervint Marcus, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de te faire boire de l'alcool, toi.

La rouquine lui jeta un regard noir.

— Qu'est-ce que tu essaies de me dire, abruti?

Il leva les yeux au ciel et, devant sa réaction, Daisy chuchota :

— Wow, t'as vu comment il est susceptible, 'dous?

— Ouais, j'ai cru le comprendre, approuva l'adolescent, un sourire narquois aux lèvres.

Marcus serra les poings, agacé d'être la risée de deux adolescents immatures, et tourna les talons. Avec tout ce monde regroupé dans la même pièce, il commençait à faire drôlement chaud; de la sueur perlait sur son front et son dos. Peut-être que s'il s'éclipsait sur la plage, ni vu ni connu, il aurait quelques minutes de répit? Par-delà l'immense baie vitrée, il apercevait le soleil qui se noierait bientôt dans l'horizon bleuté, parmi les vagues qui s'assombrissaient à vue d'œil. Ce serait un joli spectacle.

Comme il jouait des coudes pour atteindre la porte d'entrée, il sentit un poing se fracasser sur son omoplate gauche. Pas besoin d'être Sherlock Holmes pour deviner de qui il s'agissait. Il se retourna vers Daisy à contrecœur.

— Tu vas où comme ça, abruti? l'interrogea-t-elle, verre de punch à la main.

— T'as fini de m'insulter à tout bout de champ? s'irrita-t-il. Je n'ai pas la tête à m'amuser avec toi et ton petit ami, d'accord?

Daisy écarquilla les yeux, sa tête levée vers lui.

— Mon... petit ami?

— Il se passe clairement quelque chose entre vous deux, non? Il faudrait être aveugle pour ne pas le remarquer.

Elle rougit furieusement et coula un regard embarrassé vers l'adolescent blasé, resté près du mur à boire son punch.

— Ça ne te regarde pas, mêle-toi de tes affaires, bougonna-t-elle finalement.

Il leva les bras en l'air et pivota sur ses talons de nouveau pour sortir de cette marée humaine un peu trop bruyante à son goût. L'enfer, c'est les autres, avait écrit Sartre. Il n'avait pas tort, le gaillard, songea sombrement Marcus.

— Ne marche pas trop vite, abruti! Attends-moi! cria une voix bien familière dans son dos.

Il ne s'arrêta pas et prit sur lui pour ne pas bousculer chaque personne qui lui bloquait le chemin vers la porte d'entrée de la maison. Sortir, sortir, il voulait sortir...

— Marcus, attends-moi! s'égosilla Daisy.

Par pur élan masochiste, supposa-t-il, il appliqua les freins et fit volte-face. De nouveau.

— Quoi? rugit-il.

Déconcertée par sa réaction, Daisy sembla en perdre la voix. Elle cligna plusieurs fois des yeux.

Rimbaud et LolitaWhere stories live. Discover now