Début de l'enquête

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« Alors, 52 rue du Bois, c'est sûrement là. » Une déduction pas si évidente que ça vu que l'immense panneau d'au moins huit mètres de largeur, éclairé par un quatuor de néons et frappé de l'inscription « Garage Hatkinsson » était légèrement abîmé, si bien que le H pouvait s'apparenter à un R si on ne faisait pas très attention. Il n'y avait pas un seul arbre dans le coin, donc aucun moyen de se mettre un peu à couvert. Il ne fallait compter que sur la teinte corbeau des habits portés par notre héros pour se protéger des yeux trop prudents au milieu de cette nuit claire et sèche. Le garage familial n'était composé que d'un unique bâtiment, sorte d'immense entrepôt, tout de taule et de poutres, et qui exposait aux yeux de tous les usagers de l'autoroute voisine une gloire lointaine et éteinte, celle d'une petite entreprise qui avait dû souffrir du développement monstrueux des quatre roues motrices au dépend des véhicules à deux roues si romantiques. Car ici, vous ne trouverez aucune voiture, aucune trace de larges pneus ou de carcasses encombrantes bronzant au soleil. Lors de son apogée, le Garage Hatkinsson était le lieu de pèlerinage de tous les amateurs de motos de la région. Et on parle bien ici de véritables motos, pas de ces trottinettes gonflées à l'hélium que sont les scooters.

Faisant bien attention de ne pas trop faire craquer le sable compact sous ses chaussures, Eric avançait prudemment vers ce bâtiment dont il ignorait l'existence il y a encore quelques heures. (On peut raisonnablement penser que c'est la même chose pour beaucoup de locaux.) Le van qui avait amené la mort dans ce supermarché ordinaire le matin-même, pour finalement enlever son jeune frère sous ses yeux, portait sur lui le nom aux trois quarts effacé du garage Hatkinsson. Les ravisseurs devaient imaginer que personne, pas même les forces de l'ordre, n'aurait la patience d'enquêter sur le net avec suffisamment d'ardeur pour retrouver la trace de cette entreprise depuis longtemps disparue de tous les catalogues spécialisés, ou non. Même sur Google Maps cet emplacement n'indiquait rien. Cet endroit échappait vraiment à toute emprise. Le lieu parfait pour manigancer une fin du monde.

Aucune trace du véhicule incriminé cependant, juste un grand dadet tout pâlichon enveloppé dans un t-shirt Amon Amarth et ce garage. Pas une lumière venant de l'intérieur, la seule voix qui murmurait à l'oreille d'Eric était celle du vent, en tout cas la seule étrangère. Parce que si on se mettait à compter toutes les manifestations de sa conscience qui lui hurlaient que ce qu'il faisait là ne pouvait être dicté par aucune réelle logique, il y en avait un paquet. Ce devait même être assez agaçant, mais aucune marque d'effroi n'assombrissait pourtant le visage -déjà pas très lumineux le reste du temps- d'Eric le survivant. Sa mission n'avait pas changé. Il était le seul à pouvoir sauver la situation, récupérer son frère, et dévoiler à un parterre de journalistes qu'un esprit maléfique, tapi dans cette ruine industrielle, préparait un sombre avenir pour toute l'humanité.

Son plan était simple : Tu casses une fenêtre (qui l'entendra ici ?), tu rentres, tu fouilles et tu ramènes au minimum des preuves que cette cannibale provient réellement d'ici. Il était convenu avec Joseph que les deux hommes ne se rencontreraient plus avant un moment. Son ami serait sûrement surveillé, à l'instar de sa famille d'ailleurs. Eric devrait donc trouver un endroit où établir une sorte de base, un centre secret duquel il pourrait diriger son enquête, mais aussi se reposer, sans être inquiété d'être découvert par quiconque. Avait-il déjà réfléchi à l'emplacement de ce Quartier Général ? Bien sûr que non, le plan ne le prévoyait pas.

Il n'était de toute façon plus l'heure de réfléchir, mais bien d'agir. C'est dans cette optique qu'il hésita longuement entre quelle fenêtre briser grâce à la pierre qu'il venait de récupérer. Celles de devant se remarqueraient trop facilement. Vous me direz que les autres aussi, mais au moins si les ravisseurs passaient par hasard devant leur garage il fallait faire en sorte de ne pas éveiller leurs soupçons. Celles sur les côté avaient un faible vis-à-vis avec une station-service située à presque trois-cent mètres du garage. Il demeurait un risque de se faire voir tout de même. Seule solution, l'unique fenêtre à l'arrière du bâtiment, mais elle était sacrément haute, et imaginons qu'elle donne sur les toilettes, quelle horreur. Voilà pourquoi notre raisonné héros fit deux, trois, peut-être dix fois même le tour du Garage Hatkinsson, espérant que la solution lui apparaisse. Pour ceux qui se demandaient si sur la façade Est il n'y avait aucune ouverture, bien sûr que si, mais c'était les portes du bâtiment, la petite pour les hommes et la grande pour les véhicules.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 01, 2017 ⏰

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