vingt-six // manuscrit

Depuis le début
                                    

Il s'étira comme un chat, son ordinateur toujours ouvert devant lui. Il tendit l'oreille; la porte d'entrée venait de s'ouvrir. Une voix familière lui parvint alors :

— Oh, bonjour Daisy! Tu t'en vas?

De toute évidence, Harry revenait de sa promenade avec leur chien Winston au moment même où Daisy sortait de la maison. Justement, quelques instants plus tard, la tête de son compagnon apparaissait dans l'entrebâillement de la porte mal fermée par l'adolescente. Il fronçait les sourcils.

— Tu te souviens où tu as rangé les biscuits de Winston, la dernière fois? Je ne les trouve pas.

Marcus, resté assis, lui sourit.

— Non, mais je t'aiderai à les chercher si tu veux.

— Tu devrais venir tout de suite, tu sais que Winston se met à pleurer si on ne lui donne pas de biscuits après sa promenade...

Au même moment, le chien husky apparut à son tour dans le cadre de porte et trotta vers Marcus, qui lui sourit et lui frotta la tête et le dos avec amour. L'animal remua alors vivement la queue, son museau reniflant les jambes de son maître.

Winston Goldman-Quebert avait bien grandi depuis le mois de décembre; il s'en allait déjà sur ses six mois. Bâti et musclé, il parvenait presque à se hisser à la hauteur des épaules de ses deux maîtres lorsqu'il se mettait sur ses deux pattes arrière. Doux comme un agneau, sauf avec les inconnus avec lesquels il se montrait féroce, il requerrait beaucoup d'affection — et de nourriture.

Quand l'animal se calma enfin et qu'il se coucha, docile, aux pieds de Marcus, la conversation entre les deux hommes reprit.

— Il peut bien attendre encore un peu, non? répliqua Marcus. Parce que j'ai une grande nouvelle à t'annoncer.

Quand il avait tapé la dernière phrase de son manuscrit et qu'il avait levé les bras en l'air en signe de victoire, Harry dormait déjà, et il n'avait pas voulu le réveiller pour lui annoncer la bonne nouvelle; Lydia lui avait une fois reproché d'être égoïste, mais il y avait des limites, tout de même. Harry entra dans la pièce et pencha la tête sur le côté, sa curiosité visiblement piquée. Il s'approcha de Marcus.

— Je suis tout ouïe.

— J'ai fini mon roman, annonça-t-il fièrement.

Harry le dévisagea un instant, le visage impassible.

— Fini fini? demanda-t-il.

— Bien sûr que non, il me reste à réviser le tout, mais l'étape de l'écriture, du premier jet, est terminée.

Marcus le regardait avec un grand sourire, content de lui. Harry ouvrit la bouche, la referma, avant de sourire et d'ouvrir les bras. Sans hésiter, le jeune homme se leva de sa chaise et se blottit contre lui, ses bras autour de son cou, de ses épaules. Les yeux clos, il huma l'odeur du sel sur sa peau que le vent du large avait déposée pendant qu'il se promenait sur la plage. Harry lui tapota le dos d'une main, puis le relâcha.

— C'est génial, Marcus! Je suis fier de toi.

— Tu pourras lire tout ça après le dîner, si tu veux. Daisy a déjà lu le premier chapitre et l'a beaucoup aimé, mais j'aimerais un avis disons objectif et professionnel.

— Naturellement.

— Ce n'est pas tout.

Harry s'apprêtait à sortir du bureau, mais s'arrêta et se retourna vers lui, les sourcils levés en guise de question.

— Ce livre, c'est un peu grâce à toi que j'ai pu l'écrire. J'aurais sans doute mis le double du temps pour l'achever si j'étais resté à New York, avec ce qui s'est passé... enfin, tu sais bien.

Rimbaud et LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant