vingt-cinq // winston

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— Arrêtez de faire votre sensible pour une fois, Goldman, et pensez à tous vos nouveaux lecteurs. Pensez à toute cette publicité gratuite. Le bouche-à-bouche, une méthode vieille comme le monde mais qui est toujours d'actualité, comme vous le voyez.

Le pire, c'est que Barnaski n'avait pas tort, sur ce point du moins. On parlait effectivement de plus en plus du Goldbert, à un point tel que les demandes d'entrevues explosèrent. Les gens voulaient savoir le comment du pourquoi et, si possible, quelques détails croustillants au passage. Hélas pour eux, Harry et Marcus demeuraient aussi muets que des carpes. Cela ne les empêchait pourtant pas d'être tracassés par cette situation, qui commençait à les dépasser.

Une nuit que Marcus n'arrivait pas à s'endormir, trop préoccupé par l'énième message qu'il avait reçu dans sa boîte mail la journée même, il poussa un énorme soupir qui attira l'attention de Harry, couché à côté de lui.

— Quand est-ce que tout ceci s'arrêtera, dis-moi?

Harry, les yeux à demi fermés, se tourna lentement vers lui. Lui, clairement, était loin de souffrir d'insomnie. Il bâilla.

— De quoi veux-tu parler?

— Ceci, répéta Marcus d'une voix agacée. Les humiliations. Le harcèlement. Si j'avais su ce qui m'attendait, jamais je ne serais devenu écrivain. Ou alors j'aurais essayé de ne pas écrire un best-seller, pour ne pas attirer l'attention sur moi.

À ces mots, Harry éclata doucement de rire. Il se dressa sur son séant et s'approcha de son compagnon. Il passa une main rassurante dans ses cheveux pêle-mêle. Le jeune homme le laissa faire. Au fur et à mesure que ses yeux s'habituaient à l'obscurité ambiante, Harry put discerner ses traits crispés, presque angoissés tout près de lui.

— Tu dis n'importe quoi, lui souffla-t-il gentiment. La première fois que je t'ai vu, tu rêvais de publier tes nouvelles insipides dans le journal de l'université. Toute ta vie, tu as rêvé de reconnaissance, de célébrité. Tu ne savais tout simplement pas dans quoi tu t'embarquais, précisément, hein?

— Maintenant, je le sais, se découragea Marcus. Et je le regrette. Un peu. À cause des journaux, tout le monde...

Il n'acheva pas sa phrase. Il n'en avait pas besoin. Harry savait très bien que tout le monde parlait d'eux et de leur relation ô combien controversée.

— Tu te souviens ce que je t'ai dit quand tu es venu ici, après ta séparation avec Lydia Gloor? demanda Harry.

Marcus réfléchit avant de secouer la tête. Il ne voulait pas lui donner à penser qu'il ne prêtait pas attention à ses sages paroles, bien au contraire, mais des mois avaient passé depuis et il avait oublié, surtout avec les récents événements dans sa vie. Devant sa mine déconfite, Harry sourit.

— Je t'ai dit qu'au bout du compte, on se souviendra toujours des romans et que les journaux à potins, eux, au pire on les laissera traîner dans un coin de sa bibliothèque, au mieux on s'en servira pour nettoyer les besoins de son chien. Tu sais, c'est encore vrai aujourd'hui.

Comme Marcus, les sourcils froncés, ne réagissait pas, Harry poursuivit :

— Je te l'ai déjà dit : laisse les gens parler. Ils finiront par se lasser et passer à autre chose au bout d'un moment. C'est toujours comme ça que ça se passe.

— J'attends depuis des mois qu'ils se lassent de moi, grinça Marcus. Et maintenant qu'ils ont découvert que nous sommes ensemble, ils s'en prennent aussi à toi, et ça, je le supporte encore moins.

À tâtons, Harry entremêla ses doigts avec les siens. Il les serra en guise de réconfort.

— Je sais, murmura-t-il enfin. Il va falloir nous armer de patience, je le crains.

Rimbaud et LolitaWhere stories live. Discover now