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19 juin 2011, 9h10, gymnase.

Un coup de sifflet retentit dans le gymnase où avait lieu une compétition de Handball. Mary pratiquait ce sport, mais ne cessait de remonter son jogging devenu trop grand depuis quelques temps, de croiser ses bras pour cacher ce corps qu'elle n'aimait plus.

-Mary, allez ! S'écria un de ses coéquipiers, Bastien, qui était par la même occasion son frère.

-Oui, c'est bon... Répondit l'intéressé d'une voix las d'entendre toujours cette même phrase.

Dans les tribunes, il devait y avoir une cinquantaine de personnes regardant leurs enfants jouaient, certains avec une fierté indestructible, d'autres avec ennui.

Les cheveux blonds de Mary bondissait au rythme de course, qui devait s'élever minimum aux 2 kilomètres. Ses baskets provoquaient des crissements au sol car elle n'avait plus la force de soulever ses jambes si lourdes pour elle, ses bras toujours repliés sur sa poitrine, malheureusement pour elle inexistante, son visage creusé signifiant qu'elle avait passé une mauvaise nuit, pour autre indice ses grandes cernes courbées en dessous de ses yeux verdâtres.

-Mary, tu sors ! S'agaça son entraîneur, qui n'en pouvait plus de voir l'ambition disparue de sa meilleure joueuse. Enfin, c'est ce qu'elle était avant, comme le disait si bien son frère.

L'interpellation en avait étonné plus d'un, la voix que le coach avait entreprit était ferme et sévère. Plus personne n'osaient bouger ne serait-ce qu'un poil. Mary était connu pour son attitude à répondre à quiconque la grondait. Jamais l'entraîneur ne l'avait regardé de cette manière, un regard peiné emplit de haine. Une parole de trop, et ce fut les larmes de Mary qui en furent les conséquences.

La jeune fille s'effondra au sol, mit son visage pâle dans ses mains moites. Tout le monde avait le regard rivé sur ce qui était en train de se passer.

Ses coudes étaient enfoncés dans ses cuisses frêles, qui étaient elles aussi repliées.

Le silence absolu régnait dans la salle.

Elle se releva après quelques minutes, rassemblant toute l'énergie qui lui restait au plus profond de son être, elle prit une grande inspiration et affronta le regard de tout ces gens qui la dévisageaient. Ses mains se mirent à trembler, son regard s'embuait, et son visage se décomposait au fur et à mesure que la tension entre elle et son coach augmentait.

Elle ne put résister. Elle s'avança à pas fermes, créant un rythme régulier sur le sol, enfin était-elle arrivé à la hauteur de son entraîneur que sa main s'élança en direction de la joue du pauvre homme. Un claquement tonitrua dans la grande salle, et des pas précipités s'y confondirent rapidement. La porte claqua et le match reprit en un coup de sifflet.

12h10, domicile.

-Mary, j'ai une surprise pour toi. Résonna une voix masculine, celle de Bastien, dans l'appartement vide aux couleurs sobres.

Des pas se firent soudainement entendre, ils étaient lent mais avançaient régulièrement. Une porte s'ouvrit, provoquant un bruit sourd. Une blonde décoiffé, des lignes noirs le long du visage, une bande blanche sur le bras recouvrant du sang. Voici l'image que Mary renvoyait à Bastien.

Le nez de sa soeur se retroussa vivement à l'odeur qui se dégageait des frites rapportés du Mc'Donald.

-Tiens, c'est pour toi ! Ça fait longtemps qu'on en a pas mangé, régale toi. Souriait-il, fier de son apport.

Il lui tendit le sachet qui contenait la nourriture, mais contre toutes attentes, Mary se boucha le nez et partit en courant dans son sanctuaire, le seul endroit où elle se sentait bien et à l'aise. Ou presque.

Bastien, ne s'attendant pas à une telle réaction en resta bouche bée. Les frites étaient pourtant l'aliment qu'elle chérissait le plus lors de ses chagrins... Mais ce n'est sûrement pas lui que ça allait rendre malheureux, d'une poignée il engloutit la moitié du sachet et partit s'asseoir sur un canapé de couleur taupe.

Mary

Quand il m'a tendu ce paquet de frite, je n'ai pu m'empêcher de m'imaginer grosse. Si j'avais eu le malheur d'accepter de manger ça, j'aurais pris au moins un kilos... Et ça c'est une erreur de débutant. Hors, je n'en suis pas une.

Comme tous les jours, après avoir fermé ma porte de chambre, je me dirigeais vers cet ordinateur. Cet ordinateur, l'objet de tout mes malheurs et de tout mes bonheurs. Celui qui m'a permis de maigrir, mais aussi celui qui à causé ma perte. Il m'a enlevé toute joie, mais m'a apporté satisfaction. Il m'a rendu mince mais malheureuse. Terriblement malheureuse, mais je ne peux m'empêcher de continuer ce programme, c'est comme un cercle vicieux. Plus je maigris, plus je me trouve grosse et plus je suis malheureuse. Mais si je grossis... Je redeviendrai grosse, et aussi malheureuse qu'actuellement. A choisir entre être mince et malheureuse ou grosse et malheureuse, le choix est vite fait.

Une fois devant l'ordinateur, j'entre dans la barre de recherche le nom du site. Une page s'ouvre alors, dévoilant des images de filles si fluettes qu'on pourrait les casser rien qu'en leur touchant un poil. D'un côté, cela me motive à maigrir plus encore, j'aimerai tellement être aussi mince. Peu importe qu'on puisse me casser ou pas, de toute façon qu'est-ce que ça changera ? Je ne sers à rien dans ce monde.

Je parcours de mes yeux globuleux les nouveaux conseils ajoutés par la créatrice de ce site "Pro Anorexie", notre devise c'est "Pro anorexie, la reine des anorexiques". Nous sommes nombreuses à être adeptes de cet hymne de minceur. Je me la répète dès que je vois mon reflet dans le miroir, dès que je m'apprête à vomir, dès que je suis sur le point de manger, ou bien quand je suis épuisé à force de me tuer au sport... Elle résonne dans ma tête, et mes forces sont réinitialisées.

Un bruit retentit, c'est l'arrivé d'une notification indiquant : "Un nouveau conseil disponible pour maigrir ! Ne pas..."

Je clique aussitôt sur le lien. Et c'est reparti.


Pro AnorexieWhere stories live. Discover now