10 - sous le poids de sa tristesse

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J'arrive pas à détacher mon regard de ce corps qui se cogne aux autres sur le rythme de la musique, de ces lèvres desquelles s'échappent les paroles dans tous les sens et de cette chevelure brune attachée en un chignon qui s'agite lorsque sa tête pivote de droite à gauche. Je la vois lever ses mains en l'air puis clore ses paupières, s'abandonnant complètement, souriant toute les sensations que ce groupe lui procure. Je pourrais presque la sentir frissonner, entendre son coeur battre à mille à l'heure par dessus le son de la musique. C'est mon groupe préféré qui joue ce soir et je suis incapable de regarder la scène, comme si tous les projecteurs étaient braqués sur Eden.

***

Je retrouve la sensation qui me traverse après un concert, la mélodie qui cogne encore dans ma tête et l'air frais qui me fouette lorsque je sors de la salle, Eden sur les talons. Je jette un coup d'oeil derrière moi et je la vois sourire niaisement sans pouvoir s'arrêter. Pour la première fois depuis que je la connais, j'ai pas l'impression de la voir se noyer sous le poids de sa tristesse.

Nous arrivons près de ma voiture, elle colle son dos à la portière, les mains enfouies dans son long manteau beige.

-Merci, murmure-t-elle.

Je me contente de hocher la tête alors que mon coeur entier boue devant ses fossettes. Une part au fond de moi la remercie aussi, de façon inaudible, d'avoir rallumé quelque chose en moi.

-C'est le genre de soirée qui ne devrait jamais avoir de fin, je lance.

Elle se décolle de ma portière, jette un regard en arrière puis finit par se tourner vers moi.

-Et bien, puisque tout en a une, de fin, on pourrait au moins essayer de la retarder au maximum.

**

L'avantage de notre petite ville perdue entre Sète et Montpellier, c'est la mer. La mer sans touriste, sans bruit, juste nous deux ce soir et nos pieds gelés qui s'enfoncent dans le sable humide. Un mince croissant de lune trône au dessus de nous alors qu'un paisible silence nous enlace. Je l'observe sourire au vide, comme apaisée.

j'ai pas été si heureux depuis tellement longtemps

-Je t'ai jamais autant vu sourire que ce soir.

-Ca fait longtemps, c'est vrai. J'ai pas du avoir l'air hyper heureuse ces derniers temps, ajoute-t-elle en riant doucement.

l'amour sort le soirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant