TROISIÈME PRÉSENTATION : Sarah

Depuis le début
                                    

Qu'est-ce que tu fais ici, seul, ce soir ?

Quand ses yeux de bambins croisèrent les miens alors qu'il passait de l'autre côté de la vitre, le feu vira au vert et Christophe fit repartir la voiture, laissant cette question à jamais sans réponse. C'était quelque chose que je détestais dans ce monde ; devoir rester ignorante des réponses à mes questions aussi nombreuses qu'inutiles (parfois). Je soupirai à cette idée et décidai de faire un peu de « small talk », comme disent les anglais. Même si je n'avais jamais été particulièrement fan de ça.

- Je suppose que je vais devoir aller chez un coiffeur pour que le bleu tienne mieux.

- Vraiment ? C'est rare que tu ne fasses pas les choses par toi-même.

Mon oncle avait eu un sourire moqueur.

- Je connais mes limites, rétorquai-je. J'ai tenu à le faire moi-même pendant un an, mais j'ai bien peur que le BAC qui arrive m'empêche de prendre du temps pour moi.

Nouveau feu rouge. Christophe freina brusquement et me lança un regard éberlué.

- Depuis quand est-ce que c'est quelque chose qui t'inquiète ?

Comme la lumière ne se reflétait pas sur son visage, je soutins son regard, mes lèvres décrivant un arc de cercle narquois.

- C'était une blague, bien sûr que le BAC ne me prendra pas de temps. Je commence juste à me lasser de tremper mes cheveux au-dessus de la baignoire toutes les deux semaines...

Mon oncle sembla se détendre.

- Tu m'as presque fait peur, lâcha-t-il.

Ce qui était un exploit ; même les films d'horreur réputés les plus effrayants ne lui faisaient aucun effet. Un point commun entre Tonton Chris et sa nièce adorée.

Je laissai mes pensées divaguer et jetai mes yeux par-delà le pare-brise. La foule s'amassait cent mètres plus loin, attirée par les néons multicolores et les bonnes odeurs. Et au-dessus des rangées de petits cabanons en plastique imitation bois s'élevait la Grande Roue, plus grande et lumineuse que jamais. Le marché de Noël battait son plein.

- Dépose-moi au prochain passage piéton.

Mon oncle hocha la tête alors que le feu passait au vert. La voiture cracha une fumée grisâtre et j'aperçus une maman agiter l'air près de son nez avec sa main qui ne tenait pas la poussette. Désolé, songeai-je, le temps où les voitures rouleront toutes à l'électrique n'est pas prêt d'arriver. Ça aussi c'était un gros défaut de l'Homme ; se reposer sur ses acquis et avoir peur des choses nouvelles ou moins rentables, la majorité des cas au détriment de la nature.

Ces constations écologiques faites, Christophe actionna le clignotant droit et se rangea sur le côté de la route, déclenchant une série de klaxons pressés. Je sortis du véhicule en vitesse pour faire taire ce brouhaha.

- Ici dans une heure, lançai-je à mon oncle.

- Ici dans une heure, répéta-t-il. Fais attention à toi, Cosmic Girl.

J'acquiesçai et le laissai partir, libérant la route à cinq voitures impatientes de continuer leur chemin. Le monde va trop vite, marmonnai-je entre mes lèvres.

Puis je traversai la route et me retrouvai devant les festivités. Le bruit m'assaillait déjà, mais je dus passer entre plusieurs barrières et me faire fouiller avant de réellement pouvoir marcher au milieu des stands ; les attaques terroristes de l'Eté dernier avaient changé certaines habitudes...

Eternel RetourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant