Prologue

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Avril 1700. Londres.

— Allez, dis-le ! la pressa-t-il entre deux baisers.

Dans la forêt de Londres, seuls les petits rires de sa belle amante se faisaient entendre. Elle ne répondit pas et continua à rire.

— Ah, c'est comme ça ! la taquina-t-il en remontant sa robe. Tu ne veux pas reconnaître que tu es folle amoureuse de moi ! Il te faut une punition à la hauteur de cet affront !

Elle rit de plus belle tandis qu'il l'embrassait avec avidité.

— Ce n'est pas un affront, finit-elle par dire de sa belle et mélodieuse voix, je préfère ne pas te mentir. Mais j'accepte la punition...

— Tu finiras par me rendre fou, Aphrodite, soupira-t-il en capturant ses lèvres.

Elle répondit à son baiser quand le jeune homme entendit un grognement derrière eux. Il s'arrêta et se retourna.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.

— Tu n'as rien entendu ?

Sans répondre, elle lui prit le visage et l'embrassa à nouveau. La déesse de la beauté s'y prenait tellement bien qu'il oublia instantanément son inquiétude. Pourtant, le grognement reprit et si fort que, cette fois, elle aussi l'entendit.

— Qu'est-ce que c'était ?!

Il avait presque crié ces mots. Il était aussi effrayé qu'un enfant et Aphrodite se demanda un instant qu'est-ce qui avait bien pu lui plaire chez ce jeune homme. Peut-être sa jeunesse et sa beauté tout bêtement.

— Sûrement un animal, répondit-elle calmement. Alors... où en étiez-nous ?

Le pouvoir de séduction de la déesse avait beau être très puissant, la peur qui envahissait le pauvre garçon était plus forte.

— Non... J'ai entendu parler de ce monstre dangereux qui tuait des malheureux... Oh mon Dieu ! Et c'est la pleine lune ! Il faut rentrer Aphrodite ! Rentrons !

Il lui prit la main et essaya de l'emmener avec lui mais ils ne purent faire un pas. Devant eux, se tenait un loup aux longs poils noirs. Un loup énorme et tellement grand qu'ils se demandèrent si c'était vraiment un loup. C'était un monstre. Un monstre dont la gueule révélait des dents géantes et tranchantes. S'il se tenait debout, il ferait sûrement plus de deux mètres. Il les jaugeait du regard. D'abord le jeune homme. Puis ses grands yeux bleus se tournèrent vers la déesse. Elle le regardait, subjuguée. Elle était fascinée par ses yeux. Ils étaient tellement beaux, tellement... humains. C'étaient les yeux d'un homme, elle en était sûre. Et ce loup semblait aussi fasciné par elle qu'elle par lui. Il ne détachait pas son regard d'elle et semblait s'être calmé, même apaisé. Sans s'en rendre compte, elle avança la main vers son museau et le loup poussa un grognement tel que le jeune homme l'accompagnant, s'était enfui en hurlant. Aphrodite le regarda partir sans regrets. Quel lâche. Lorsqu'elle se retourna à nouveau vers le monstre, elle constata qu'il avait disparu. Pourtant, elle ne pouvait se résoudre à s'en aller à son tour. Elle voulait le revoir. Maintenant.

Elle se mit à le chercher dans la forêt éclairée seulement par la lune pleine, haute dans le ciel. Elle risquait la mort. Son statut de dieu de l'Olympe ne lui procurait aucune protection et elle le savait. Mais elle ne pouvait se résoudre à rebrousser chemin. Cet étrange animal avait capturé son cœur d'un seul regard. D'un regard bleu. La déesse était prête à le chercher toute la nuit s'il le fallait. Et ce fut ce qu'elle fit. Rien n'échappa à son regard affuté. Aucun arbre, aucun buisson, aucune branche, aucune feuille n'avait pas été observé avec attention. Elle suivait les traces mais cela ne la menait nul part. Néanmoins, elle refusait d'abandonner. Tant qu'elle n'aurait pas revu ces yeux, elle n'abandonnerait pas. Malheureusement, tous ses efforts se soldèrent par un échec.

À l'aube, elle se décida enfin à partir. Sur le chemin, derrière quelques buissons, elle crut voir une forme humaine à terre.

— Il y a quelqu'un ? demanda-t-elle.

Même après avoir passé toute une nuit dans la forêt, à marcher et sans même se reposer, elle gardait une voix absolument magnifique. Sa beauté était sans égale, même après une nuit aussi épouvantable que celle-ci. Aphrodite restait Aphrodite. Lorsqu'elle se rapprocha, elle vit un homme allongé en chien de fusil, qui lui tournait le dos. Tout ce qu'elle distinguait de lui, c'était qu'il avait les cheveux extrêmement noirs et qu'il était entièrement nu. Malgré le printemps qui était bien installé, le temps était assez rafraîchi à Londres. Elle se précipita vers cet homme et constata qu'il ne devait pas avoir plus de vingt ans. Le pauvre était recouvert de boue et était inconscient. Mais même ainsi, elle constata qu'il était l'un des plus bels hommes qu'elle n'avait jamais vu. Elle s'agenouilla en face de lui et essaya de le réveiller. Lorsqu'il ouvrit les yeux, elle sursauta et recula. La déesse reconnaissait ces grands yeux bleus, si profonds, si puissants, si frappants... Elle les reconnaîtrait entre mille : elle avait passé la nuit à penser à ces yeux et les chercher dans toute la forêt. C'étaient exactement les mêmes que ceux de ce monstre qu'elle avait rencontré cette nuit. Il les referma, encore secoué. Elle s'approcha de nouveau de lui et lentement, elle passa une main sur son visage.

— Comment t'appelles-tu ? demanda-t-elle.

Il maugréa quelque chose et elle rapprocha son oreille de sa bouche pour mieux entendre et il répéta à nouveau, en murmurant :

— Thomas... Thomas Clark.

Et il reperdit connaissance. Aphrodite caressa ses cheveux et posa la tête contre l'épaule du jeune homme. Elle aussi devait se reposer. Et quand ils se réveilleraient, elle savait qu'ils ne se quitteraient plus. Thomas. Elle avait déjà entendu ce nom, il y a bien longtemps. Mais elle n'aurait jamais cru y être confronté un jour. Et pourtant... cet homme dont elle venait de tomber amoureuse, n'était autre que le fils de Lord Thomas. L'homme transformé par Anastasija en même temps que Cyrus. Thomas Clark était ce jeune nouveau-né abandonné dans un quartier mal famé de Londres. Thomas Clark était donc un lycanthrope.

Sélênê - Tome 2, LunatiqueWhere stories live. Discover now