Chapitre 39

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Sélêné était maintenant enceinte de cinq mois. Plus de la moitié de la grossesse était entamée. Son ventre était aussi gros qu'une femme enceinte de sept mois. Cyrus et elle étaient retournés voir un médecin pour s'assurer que tout allait bien. Sélênê avait espéré que peut-être le second enfant avait disparu, que le premier docteur s'était trompé, que Naya avait senti le désamour de sa mère pour ce jumeau et s'en était débarrassée... Que nenni. Le frère de sa fille était bien là et cette fois il était presque aussi grand qu'elle. Elle ne pouvait pas ne pas le voir. Cette fois, elle ne piqua pas de grosse colère. Elle resta de marbre, complètement éteinte comme elle l'était depuis qu'elle avait appris la présence de cet enfant non désiré. Cyrus, lui, était ravi : il avait deux armes de guerre au lieu d'une.

Sélênê s'était enfermée dans un mutisme. Elle ne voulait plus parler à personne. Elle ne se comportait plus comme une reine, ce petit jeu avait cessé de l'amuser. Elle ne voulait plus voir personne et la plupart du temps, elle restait enfermée dans sa chambre. Lorsqu'elle se transformait en lycanthrope, les soirs de pleine lune, elle était enfermée dans les caves du domaine de Cyrus. Autrement, elle déclinait toutes ses invitations à déjeuner et à dîner.

Elle s'était aussi complètement fermée à Naya. Elle évitait tout contact avec son ventre car elle ne voulait pas sentir ou voir ce fils qu'elle n'avait pas désiré. Et cela quitte à ne plus avoir aucun lien avec sa fille.

De temps à autre, elle se rendait à la bibliothèque pour prendre un livre avant de retourner le lire dans sa chambre. Ce fut ainsi qu'une fois elle y croisa Keelan, son frère, en train de feuilleter un grimoire. Il leva les yeux et la salua avec respect. Mais le demi-dieu ne manqua pas l'éclat de haine qui se reflétait dans ses yeux. Il ne faisait qu'obéir aux ordres de Cyrus et cela se voyait. Si ça ne tenait qu'à lui, les chaînes de Sélênê seraient taillées courtes et elle n'aurait pas le droit de sortir des caves. La jeune fille serra les poings. De quel droit il la détestait ? Elle ne lui avait rien fait. Il lui avait volé son père. Il était le sorcier de Cyrus. Il avait trahi des milliers de sorciers surpuissants en les vendant aux sbires qui les tuaient sans hésitation. Il était la raison pour laquelle Sarah, sa meilleure amie, était morte. Elle le fusilla du regard. Non, le sorcier n'avait pas le droit d'être en colère contre elle et de la détester. C'était à elle de lui en vouloir et lui faire payer.

Elle s'approcha de lui et ferma le grimoire qu'il bouquinait d'un coup sec sur ses mains. Il sursauta et eut une mimique de douleur. Sans libérer ses mains du grimoire, il releva les yeux vers elle. Ils se toisèrent un instant, chacun se défiant du regard, refusant de prononcer le premier mot. Il tenta de retirer ses mains mais Sélênê le vit et sans le quitter des yeux, elle plaqua ses mains sur le grimoire, l'emprisonnant. Cette fois, il ne put retenir un sourire mauvais et il craqua :

— Je peux savoir ce qu'il te prend ?

Elle parla pour la première fois depuis des mois.

— De quel droit te permets-tu de me détester et de m'en vouloir alors que je ne t'ai jamais rien fait ? Tu es le traître. Tu es celui par qui tout a commencé, tout est de ta faute. Si tu n'avais pas existé, mon père n'aurait jamais eu à me vendre à Cyrus. Si tu n'avais pas existé, Cyrus n'aurait jamais eu de pouvoirs et il aurait pu être arrêté. Si tu n'avais pas existé, Sarah serait encore en vie et surpuissante.

Il sortit ses mains du grimoire et les claqua sur les siennes.

— Au contraire, Sélênê. Tu es celle qui n'aurait jamais dû exister. Si tu n'avais pas existé, Cyrus n'aurait eu aucune chance. Si tu n'avais pas existé, Sarah serait encore en vie. Si tu n'avais pas existé, j'aurais pu connaître mon père et ma mère.

Sélênê - Tome 2, LunatiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant