un vingtième chapitre

Depuis le début
                                    

Lorsque je suis arrivée à la dernière station du voyage, Neville m'attendait sur le trottoir, aucune clope entre les lèvres, juste une main dans la poche. Je lui ai envoyé un message durant le trajet, j'avais besoin de le voir.

J'ai beaucoup réfléchi à lui et moi. Parce que revoir Isaac n'a plus du tout le même effet qu'avant et que l'amour persiste mais s'atténue dans le temps. Avec Neville, même à force d'essayer de le négliger, je me retrouve à tomber amoureuse comme une petite gamine. C'est compliqué d'être un être humain franchement, on essaye de compliquer les choses mais au final, les sentiments sont trop intenses et on s'embrouille fatalement.

- Hey. Débuté-je en posant mon sac entre les jambes.

Il m'a regardé, inquiet. Ses doigts ont joué avec une de mes mèches et il a soupiré comme si me revoir balayait tout ce qu'il y avait autour.

Il est courant pour Nib et mon père. Je lui ai envoyé un petit message la nuit de la découverte, un simple « Mon père est mort pour moi. » Et il m'a appelé. Cette nuit-là, il était au bout du fil, j'écoutais l'océan et il m'entendait percevoir le bruit des vagues. Le lendemain matin à 8h, son opérateur a dû raccrocher à cause du manque de crédit.

Il a ouvert ses bras. Et j'ai enfoui ma tête dans le creux de son cou. Il sentait Neville, une odeur qui m'est devenue familière, une odeur qui j'aime et qui me fait tourner la tête. On ressemble peut-être à un couple de loin, peut-être qu'on est un couple finalement, peut-être que je l'ai pardonné sans le vouloir. Ça serait faible et nul de ma part, mais je n'en peux plus de me poser trois milles questions en sa présence. Aujourd'hui, la priorité est de le sentir près de moi.

- J'ai acheté des pains au chocolat. Dit-il d'un air sérieux.

Je lève les yeux et lui souris bêtement lorsqu'il me tend un sachet. On se pose sur un petit banc et je me mets en tailleur dans un coin, le ventre trop vide qui gargouille à plein temps. J'ai mangé silencieusement, les yeux dans les siens, concentrée à mâcher sans en mettre partout. En vain, toutes les miettes de la viennoiserie sont tombées sur mon sweat et j'ai dû me lever pour faire un petit peu de ménage sur mon vêtement.

On ne parle pas beaucoup lui et moi. Ce n'est pas si facile que ça. Je sais qu'il mord d'envie de me demander si je vais bien mais ça ne sert à rien parce que je ne vais pas bien. Puis lui non plus ne va pas bien et je n'ai pas envie de lui demander s'il va pas bien parce que je connais sa réponse et qu'au bout du compte, on irait tous les deux pas bien.

J'ai coupé le silence et lui ai demandé :

- Tu penses que toi et moi, ça marchera ?

Il s'est essuyé les bords de sa bouche avec sa main et je l'ai regardé réfléchir tout en mangeant. On aurait dit un gosse de 6 ans à manger avec autant d'acharnement. Pour la première fois depuis quatre jours, je n'ai pas envie de pleurer, j'ai juste envie de remettre ma vie en place et de comprendre si tous les choix que j'ai fait ont un sens. Je ne fugue plus désormais, je vis, et ça fait drôlement mal.

- J'ai contacté un psy. Il s'appelle Richard Tocard et Olivia a trouvé son nom de famille vachement drôle. Il est doué. En une rencontre, je lui ai balancé mes problèmes au nez. Commence-t-il en remettant son dernier quart dans le sachet.

Il m'a regardée comme quand on regarde une œuvre d'art dans un musée, avec cet air malicieux mais perdu comme s'il voulait décrypter ce qui faisait de moi une jolie œuvre et pas un tableau comme les autres. Mes joues auraient dû rougir. À la place, mon cœur s'est mise à battre ardemment, trop vite, trop fort, trop naturellement.

- Je lui ai d'abord parlé de toi et Calypso. Pour mon père, je n'ai pas osé, c'est trop gros encore pour lui en parler.

Ses yeux brillaient. C'est la première que j'assiste à la renaissance de quelqu'un, son énorme sourire, ses yeux rieurs. Neville me souriait.

- Je vais me reprendre en main Reina. J'ai encore du temps, on a du temps. Et j'ai beaucoup réfléchi, et... mon psy a été véridique sur le sujet, je dois me faire pardonner auprès de toi. C'est compliqué parce que je ne sais pas comment m'y prendre, parce que toute ma vie j'ai construit une carapace pour que personne ne cherche à décrypter mes sentiments. Alors je vais changer, promis. Je veux que toi et moi ça marche, même si on essaye de faire en sorte qu'il n'y ait rien pour l'instant. Je ne veux pas qu'on se fasse du mal. Je ne veux plus jamais te refaire du mal. Et je ne veux pas te donner un cœur tout disloqué. C'est pour ça, que ça viendra et que je recollerai tout ce qui ne va pas dans ma vie et... toi en première. J'irai mieux, t'iras mieux et tous les deux, j'espère que ça marchera.

J'ai attendu plusieurs secondes, le regard captivé par le sien. Neville ne veut plus être un trou noir, il veut être une étoile, une étoile qui me côtoie.

- Et puis, je suis amoureux de toi Reina. Et tu me pardonneras parce que je suis un gars tourmenté mais qui fera de son mieux parce que tu es l'une de ses raisons de vivre, que tu le croies ou non.

Mon cœur s'est brisé soudainement, de façon imperméable parce qu'à cet instant précis, j'ai eu l'impression d'avoir deux cœurs entiers dont l'un s'était fragmenté. L'autre cœur bat si fort qu'il donne presque vie au premier, tout rouillé qui se brise à chaque fois.

C'est une promesse d'avenir.

C'est tout bête comme promesse parce qu'on est jeune et que se promettre un destin est tout sauf certain.

Pour l'instant, de mon côté, ça ne va plus si bien. Une tristesse infinie m'envahit.

Je lui ai pris sa main et l'ai posée sur ma joue froide en chuchotant doucement :

- Ça marchera. 





nda:

après 4 essais avortés d'écriture du chapitre, le voilà finalement publié (et il n'a rien à voir avec les autres versions), j'voulais quelque chose de grave et léger, quelque chose de triste et heureux, un truc pas trop dégueu quoi

bref, elo vous nem to the moon and back aha

NibOù les histoires vivent. Découvrez maintenant