un septième chapitre

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À partir d'aujourd'hui, j'arrête d'y croire. Le destin veut clairement que je rencontre Olivia et son frère n'importe où n'importe quand. Je traversais tranquillement un couloir de l'auberge puis suis tombée soudainement sur le visage concentré d'Olivia en train de commander un paquet de chips au distributeur. La machine n'arrive pas à accepter sa monnaie et elle rouspète dans son coin. Olivia ne me remarque que quand je me cogne la tête, en reculant de trois pas vers le mur.

Incroyable. Impossible. J'crois que le monde me pousse à les croiser alors que c'est la dernière de mes envies après la scène de la matinée. Il est 19h00, je suis allée regarder l'océan malgré la pluie, j'ai le jean tout trempé et les cheveux mouillés. J'ai écrit mon septième rapport il y a trois heures et je me sermonne mentalement pour avoir été si naïve de croire que je ne les croiserai plus jusqu'à ma misérable mort. 7 aurait dû être le chiffre des 7 merveilles, des 7 couleurs de l'arc-en-ciel. Moi, j'vois surtout les notes de mes copies de philo et la merveilleuse impression du 7 heures qui me porte malheur.

- Sapristi saucisse ! Reina ! Mais qu'est-ce que tu fous ici ? Demande-t-elle presqu'en criant, les yeux pétillant de surprise.

La blonde poursuit :

- Je t'ai cherchée ce matin avant de tomber sur Neville, le nez collé contre la porte de derrière. Tu aurais déserté les lieux pour une raison urgente d'après lui. J'crois juste qu'il t'a fait tellement peur avec sa tronche de rat que tu t'es barrée en courant.

Je ne peux m'empêcher de lâcher un petit rire nerveux, les yeux rivés vers le sol. Quel con, quelle merde, quelle vie !

- Je me suis juste installée ici le temps de reprendre la route dans quelques jours. Et toi, qu'est-ce que tu fiches dans les parages ? Bredouillé-je curieuse.

Et avant même d'entendre sa réponse, j'ai compris. Subitement, le genre d'éclair de génie. « Morel », ma mémoire disjoncte. C'est de la bouche d'Olivia que j'avais entendu ce nom de famille si familier. Ma mémoire devrait sincèrement se réparer avant de rencontrer une seconde situation du genre où c'est seulement au moment le moins approprié que je réalise ce qu'il faudrait.

- Bah... La ville n'est pas si grande puis je ne sais pas ce que t'as fait comme trajet mais le bistrot est juste à quelques minutes à pied d'ici. Puis... La proprio est la mère de Neville donc ouais, je traîne par ici assez souvent... Raconte-t-elle gênée.

Crotte de bique. Et dire que je croyais être bien loin du bistrot. J'ai pris deux heures à traverser des rues à la recherche de cette auberge. J'ai sûrement dû tourner en rond avant de le trouver. Reina, t'es qu'une satanée idiote de première classe, va falloir apprendre à se servir d'une carte comme en 5e dans les courses d'orientation.

Le plus dérangeant dans cette histoire, c'est Véronique. Je lui aurai donné pas plus de 30 ans. Comment fait-elle pour paraître aussi jeune avec un gosse de 18 ans dans les pattes ?

- C'est sa mère, sérieusement ? Chuchoté-je à son oreille, déconcertée.

Le rire d'Olivia se reconnaît entre mille et elle semble enchantée par ma remarque.

- Elle a 42 ans et ouais c'est difficile à croire mais elle a fait une chirurgie du visage. T'sais comme Carla Bruni, depuis elle a les traits tirés et lisses. Elle fait vachement peur avec un sourire sur les lèvres. On dirait un genre de robot raté qui tente désespérément de sourire malgré son côté automate du XIXème siècle. Répond-elle avec un clin d'œil.

Son explication m'a rendue confuse. Olivia n'est vraiment pas claire et je comprends deux références sur cinquante avant de piger concrètement l'idée générale.

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