XI. LA CAVERNE

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Du petit bois d'oliviers à la colline, il n'y avait qu'une demi-lieue.

C'est peu pour un demi-Dieu forgé comme une enclume.

C'est trop pour un petit brigand grassouillet, la cheville douloureuse et les genoux entaillés.

Et tout cela est bien égal à un âne borné.

━ Je dois vous avouer une chose, seigneur Hercule, commença Patos : j'ai vécu en quelques jours plus d'aventures que pendant toute ma vie de bassesses.

━ Car depuis que je t'ai recueilli comme un vulgaire mulet-stoppeur, tu te considères rentré dans le droit chemin ?

━ Je le crois oui, dit très sérieusement Patos.

━ Pourtant, je compte déjà quatre bassesses et un âne noir que tu as essayé de me subtiliser.

━ Rooo vous exagérez. J'ai fait bien pire par le passé !

━ C'est bien ce que je crains, oui. De toute manière, cette aventure me donnera quelques réponses quant à l'attitude à adopter à ton sujet. En tant que crétois, ton âme de pistard, tarin au vent, de ta race qu'on dit réputée pour les traques en tout genre, doit nous permettre de donner à cette chasse au lion une tournure victorieuse. Et puis de toute façon, sache que du lion ou de toi, Patos, un seul passera les portes de Mycènes en un seul morceau.

Patos, terrifié, déglutit bruyamment pour toute réponse.

Quelques instants plus tard, parvenu à la colline où une heure plus tôt un lion avait manqué de dévorer un esclave enchaîné, Patos, pris d'une irrésistible envie d'impressionner son maître, mais surtout désireux de remettre un jour les pieds dans un lupanar et de se faire masser le gras du dos par une gourgandine, se secoua le vêtement et redressa les épaules.

━ Seigneur Hercule, me faites-vous confiance ?

━ Bien sûr.

━ Bien vrai ?

━ Autant qu'un marchand phénicien serrant la main à un pirate. Mais va, dis toujours.

━ Vous l'avez si bien dit : j'ai le goût de la piste. Aussi je me propose gracieusement de mener la traque jusqu'à la tanière de ce satané lion.

━ Je dois réfléchir.

━ Réfléchir ?

━ Oui, car ta proposition me semble en tous points honnête. Voilà ce qui m'inquiète.

━ Ah. Oui, je vous comprends bien, dit Patos en se grattant le menton.

━ Tu vois, tu me caches quelque chose, je le sens !

━ J'espérais effectivement...

━ Il espère, maintenant !

━ ... que vous me rendiez ces miettes de liberté qui me tenaient lieu de vie.

━ Ah ah ! Je le savais. Découvre pour moi le repère du lion et je te promets de réfléchir à ta proposition, foi de demi-Dieu !

Ni une, ni deux, Patos tomba sur les genoux et renifla le sable à la façon d'un cochon truffier. Il tourna trois fois sur lui-même, à l'endroit même de la colline où le lion, atteint de deux flèches inoffensives pour sa carapace inviolable, s'était dérobé à la vue de nos chers héros. Puis, soudainement, alors qu'il achevait son troisième tour, il redressa le groin bien haut au vent et dévala à quatre pattes le pan sablonneux en direction du nord.

Hercule, pris de court par la dextérité insoupçonnée de son serviteur, saisit la bride du mulet et la tira si fort qu'il manqua d'enlever la tête du pauvre animal.

━ Va, Patos, cria Hercule ! Va, et ne te retourne pas !

Quinze minutes plus tard, Patos s'immobilisait au pied d'une petite montagne à la base saupoudrée de rochers de la taille d'un gros bœuf.

━ La piste s'arrête ici, seigneur Hercule. La pluie a eu raison de mon odorat.

━ La pluie ? Quelle pluie ? répondit le demi-Dieu en considérant les nuages au-dessus de sa tête.

Au moment où Hercule exprimait ses doutes, de grosses gouttes tombèrent sur la montagne, forçant les voyageurs égarés à trouver un abri.

━ Mon cher Patos, tu nous as menés jusqu'ici sans que je ne voie de lion. Tâche maintenant de nous dégoter un toit où je te jure de me servir de ta toge comme toile de tente et de laisser tes attributs au vent !

Pris de panique, Patos considéra la montagne, courut dans une direction, puis dans l'autre, puis revint au pas vers son maître.

━ Là, là, cria-t-il au milieu de l'ondée assourdissante. Entre ces deux gros rochers, on dirait une caverne !

Soulevant leurs toges dans un mélange de féminité et de praticité, les deux aventuriers bien trempés se ruèrent jusqu'à la sombre entrée de la caverne.

━ Le mulet ! s'écria Patos en se retournant, on a oublié le mulet !

━ Peu importe, répondit Hercule en considérant l'animal insensible aux gouttes rebondissant sur ses poils drus, la pauvre bête est exténuée, laisse-la se reposer, elle en a grand besoin.

Alors, laissant le mulet à son sort, ils pivotèrent lentement et firent face à la pénombre du lieu.

━ Nom de mon paternel, rigola Hercule ça résonne comme dans un temple athénien et on y voit pas plus loin que le bout de nos nez : on se croirait à l'intérieur de ton fondement là-dedans, mon cher Patos.

━ J'ai faim, se contenta de répondre Patos dont le ventre se mit à gargouiller bruyamment.

━ Encore ?

━ Et j'ai grand peur aussi.

━ Décidément, c'est toujours le même refrain avec toi. Allons, sors une grive de ta besace et fais-nous une bonne flambée avec ces racines. On s'occupera du lion ensuite. 

HerculeDär berättelser lever. Upptäck nu