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     Quand j'ai pu récupérer un peu de forces grâce à ce qu'on me faisait manger à l'hôpital, je suis rentré chez moi, accompagné par mes parents jouant si bien la comédie des parents modèles qui s'étaient tant inquiétés pour leur fils. Ils ont montré leur vrai visage seulement une fois la porte d'entrée verrouillée, et m'ont insulté comme jamais ils n'avaient osé le faire. Mon père était déterminé à me mettre son poing dans la figure mais ma mère l'en a empêché. J'ai eu très peur, non seulement parce que je ne les avais jamais vus dans une telle fureur, mais également parce que Marie était là et qu'elle assistait à toute la scène. J'ai compris que mes parents avaient passé un autre cap. Ils ne me voyaient plus comme leur gagne-pain, à présent j'étais une énorme gêne dans leur quotidien, un poids dont ils ne pouvaient se défaire.

     Pendant quelques semaines j'ai fait profil bas. J'avais l'intime conviction qu'ils mettraient leur menace à exécution. J'ai fini par m'habituer à leur mépris, et j'ai appris à vivre avec, pour faire plaisir à Marie qui me faisait de la peine, et surtout pour continuer de voir Iliana. Ils avaient remarqué que ce moyen de pression fonctionnait sur moi. Ne plus la voir me rendait tellement docile, que j'avais fini par me tenir tranquille.

     Mais je n'avais pas capitulé. Je comptais me faire discret pendant plusieurs mois, qu'ils baissent ainsi la garde. J'ai donc repris l'habitude de leur obéir, de faire l'adolescent dégénéré devant les voisins, et de ne pas chercher de problème à la maison. Nos relations étaient beaucoup moins tendues et mes parents m'ont à nouveau permis de me rendre chez Iliana.

     Depuis que nous nous étions retrouvés, Iliana ne restait plus immobile à fixer l'horizon. Elle me regardait les mains ou les lèvres. A chaque fois que je me postais devant elle, elle ne fixait plus que ces deux parties de mon corps. Lorsque je parlais, elle observait inlassablement la danse de mes lèvres au rythme de mes déclarations, et quand le silence se faisait sentir, elle dévorait du regard mes mains qui gesticulaient de manière incontrôlée tant elles mouraient d'envie de toucher sa peau. Son regard n'était plus vide, pour moi il m'avouait toute l'ardeur qu'elle ressentait, qui se traduisait par ses yeux fous qui me dévoraient.

     Un jour elle a même tenté de me parler. J'avais fermé les yeux, je m'étais allongé sur le ventre, prenant dans mes poumons le plus d'air possible pour que le parfum de ses draps imprègne mes sens, et elle a dit quelque chose. Je n'avais jamais entendu le son de sa voix, elle était intimidée quand elle se trouvait en ma compagnie et son silence avait toujours régné. Ce soir-là, elle a dit deux syllabes. Dans une langue incompréhensible, j'étais persuadé d'y reconnaître mon prénom. J'ai relevé les yeux pour la regarder, elle s'est mise à fixer mes lèvres, sans même que je ne parle. Je me suis approché d'elle, rêvant de coller ma bouche à la sienne. J'ai approché mes lèvres de son cou, qu'elle ne me laissait jamais embrasser. Je restais toujours à quelques millimètres. Ce soir-là, elle m'a laissé goûter à sa peau. J'ai pu lui offrir un baiser délicat, sentir le parfum de ses lèvres. Elle a fermé les yeux. J'ai relevé la tête, mes lèvres en direction des siennes. Elle n'a opposé aucune résistance et m'a laissé l'embrasser. Ce baiser a duré quelques secondes, les plus belles de ma vie. Quand je me suis décollé d'elle, elle s'est remise à caresser ses lacets, les yeux baissés. J'ai compris que je devais partir, avec le sentiment que notre histoire allait être une merveilleuse histoire d'amour, maintenant qu'elle m'avait accepté. J'ai pris ma carte postale dans ma poche, celle que mon père m'avait contraint à garder toujours sur moi, et lui ai déposée sur son lit, en signe de mon amour. Je savais qu'elle la garderait précieusement contre son cœur quand elle en ressentirait le besoin. Elle lui servirait plus qu'à moi.

     Grâce à ce moment, grâce au cadeau qu'elle m'avait fait, j'ai trouvé la force de ne plus m'opposer à mes parents, souhaitant revivre cet instant magique autant de fois qu'il m'était possible de le vivre. 

Je suis un actisteWhere stories live. Discover now