Chapitre 10 :

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 J'ai l'impression que le monde se fige autour de moi, je n'entends ni les oiseaux matinaux qui gazouillent, ni l'agitation du village d'à-côté. Je ne sens que mon sang qui bat dans mes tempes. Le garde continue de nous fixer, raffermissant sa prise sur son arme et nous toisant à tour de rôle. Les pensées fusent dans ma tête et s'embrouillent, me criant des idées plus invraisemblables les unes que les autres. Il faut que je trouve, et vite.

« Je vous ai posé une question. Répondez sur le champ ». Je sens que ma sœur est terrifiée, sa petite main tremble dans la mienne. Je prends une longue inspiration et regarde l'homme dans les yeux. Il a une grosse moustache grisonnante et un nez en forme de courge, de petits yeux bleu acier et des sourcils broussailleux qui assombrissent son regard.

— Je m'appelle Seth Grimmes, et elle c'est ma petite sœur Ambre. On est juste de passage.

— Où sont vos parents ? Deux jeunes gens comme vous ne peuvent pas se balader sans permission, répond le garde, d'un air suspicieux.

— Nous sommes orph...

Je m'arrête d'un coup, me souvenant qu'Ambre n'était pas au courant de la mort de nos parents. Plus je mets de temps à répondre et plus le garde semble nous analyser, la main toujours posée sur son arme. Sa médaille accrochée à sa poitrine brille de mille feux.

— Nos parents sont partis vendre nos marchandises, nous sommes une famille de fermiers et nous allons les rejoindre. Vous pouvez vérifier si vous le voulez, nous faisons souvent affaire avec Londhal et Skyrus, mais faire ces recherches prendrait beaucoup de temps et vous paraissez être un homme occupé, je ne voudrais pas vous...

— Silence, me coupe-t-il. Vous pouvez passer pour cette fois, et soyez prudents. On nous a signalé un groupe de bandits qui sévit non loin d'ici. Si vous les croisez, ne tentez rien et prévenez les autorités compétentes, merci.

Il nous lance un dernier regard empli de dégoût, trahissant le sentiment qu'il éprouve envers les gens comme nous, les paysans. Je serre la main de ma petite sœur et tourne les talons, dos au village ainsi qu'au garde. Je recommence à marcher et elle m'emboîte le pas, essayant de suivre la cadence, ses petites jambes courant presque tant je fais de grands pas. Comme si notre périple n'était pas assez compliqué, voilà qu'une bande de bandits rôde non loin d'ici. Heureusement, nous n'avons rien de valeur, ils devraient donc nous laisser tranquilles... En théorie...

Cela fait environ deux heures que nous marchons en silence, la nature s'éveillant sur notre passage. Ambre marche de plus en plus lentement, elle fatigue. Je fais une pause et la prends sur mon dos, elle enroule instantanément ses petits bras autour de mon cou et colle sa joue contre mon épaule droite. Je continue à marcher et je balaie du regard le paysage verdoyant qui s'offre à moi. L'herbe est haute, couverte de splendides fleurs et de plantes sauvages. La neige des jours précédents a fondu et laisse entrevoir la végétation robuste qui survit aux changements de température. Si je tourne ma tête à droite, j'aperçois la grande forêt d'Odrül, connue pour ses arbres gigantesques et ses champignons hallucinogènes. À notre gauche, de nombreuses fermes sont éparpillées sur les collines au loin, et sont à peine distinguables. Des prairies s'étendent à perte de vue, là où le bétail a l'habitude de paître lorsqu'il fait meilleur. Je redirige mon regard devant moi, fixant le sentier qui s'étire au-delà des montagnes les plus éloignées. Je tente tant bien que mal de me vider l'esprit afin de ne pas penser à nos parents, ou à l'avenir pitoyable que j'offre à ma petite sœur. Néanmoins, la perspective d'atteindre Agartha semble être une lanterne éclairant ma route sous ce voile d'inconscience, je la suis comme un papillon attiré par la lueur des flammes.

Je suis déjà fatigué, je pense avoir au moins deux ampoules à chaque pied. Mon dos me fait un mal de chien et mes bras sont tout engourdis à cause d'Ambre qui devient de plus en plus lourde à mesure qu'elle s'enfonce dans son sommeil. Je décide de faire une pause après une heure et demie de marche. Je pose ma sœur sur un rocher plat à l'ombre d'un grand arbre solitaire. Elle laisse s'échapper une plainte étouffée avant de se laisser tomber sur le sol, les yeux mi-clos à cause de la fatigue. Assoiffé, je sors une gourde de mon sac et la bois presque d'une traite avant de m'arrêter. La sensation du liquide frais descendant dans ma gorge et humidifiant toute ma bouche me fait un bien fou. Je m'assois sur le sol, contre le tronc de l'arbre. L'air s'est un peu réchauffé, mais il fait toujours relativement froid, mes mains sont encore toutes engourdies. Nenan est monté un peu plus haut dans le ciel et, à vue de nez, je pense qu'il est environ midi. Je fouille de nouveau dans ma besace et referme ma prise sur une carte en papier différente de celle que j'ai sortie plus tôt, celle-ci ne concernant que notre planète.

Agartha - L'appel de l'inconnu [Terminé]Where stories live. Discover now