10 - « Rubis »

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***G***

Je suis dans le hall de l'hôtel, j'attends Maria. Eyad est posé en face de moi, les mains dans les poches, avec une grosse tâche de sang sur la jambe. Il n'y a que très peu de personnes qui nous voient, hormis le réceptionniste de l'accueil qui nous lance de grands regards désapprobateurs. Il doit se demander depuis une bonne demi heure déjà ce qu'on fout là, et pourquoi Eyad est en train de se vider de son sang dans son hall. Mais je suppose qu'il ne cherche pas vraiment la bagarre, et que ça l'effraie même. Nous sommes près de la F, à une quinzaine de minutes. Ce ne doit pas être le premier homme ensanglanté qu'il voit passer par ici.

J'ai froid. Un petit courant d'air s'infiltre sous la grande porte d'entrée et m'arrache un soupir. Qu'est ce qu'elle fout Maria ? J'ai l'impression que ça fait une éternité que je l'attends.

Eyad - Ça va ?

- Oui... Je caille un peu.

Je lance mon regard à la recherche d'une silhouette dehors, mais toujours rien.

Eyad - Tu veux ma veste ?

Je bloque quelques secondes, avant de sentir mes joues rosirent.

- Hein ?

Eyad - Je suis bien moi, prend ma veste.

- Non c'est bon t'inquiète pas, elle ne va pas tarder.

Eyad - Ça fait un petit bout de temps que tu me dis ça maintenant.

Il a un petit sourire qui flotte sur le visage, et voyant sa main tendue j'attrape sa veste. Je la pose nonchalamment sur mes épaules, en évitant de croiser son regard le plus possible. Si je n'habitais pas la F, et que j'oubliais pourquoi je me retrouve dans cette situation, je trouverais sûrement ça romantique.

- Merci.

Eyad - Pas de quoi.

Il se réinstalle contre le mur, et j'observe sa position. Il a l'air si à l'aise comme ça, on dirait que le mur se mouve pour l'accueillir. Les teneurs de murs, ils ont forcément un secret. Je trouve ça inconfortable d'être debout et de me reposer contre le mur, et eux ont l'air de trouve ça sympa. Ils sont vraiment bizarres.

- C'est bizarre.

Il lève la tête, et nos yeux se rencontrent.

Eyad - De quoi ?

- T'es gentil.

Il hausse les sourcils, et me sourit de nouveau.

Eyad - Et alors ?

- Mais t'es un Zaik. Je ne te connais pas, tu es forcément un mec des Zaik.

Il me juge quelques secondes avant de soupirer.

Eyad - Et parce que je suis un Zaik je suis censé être un salopard c'est ça ?

- Techniquement, oui.

Eyad - Si je suis ton raisonnement, t'es une pute.

Mes sourcils se froncèrent, il a de l'audace quand même. Il ne sait pas à qui il s'adresse, mais tout de même. Mes frères le dégommerait pour moins que ça.

Eyad - Ca ne te plait pas comme idée ?

- Non, pas vraiment.

Eyad - Alors oublie la technique. On est tous différents. C'est pas ton nom de famille qui te dicte qui tu es.



***M***



J'avance rapidement dans le noir, et je frôle les murs. Je ne veux pas me faire repérer une seconde fois. Ghalia doit être paniquée. J'espère vraiment qu'elle va bien. Même si je ne suis officiellement que sa "garde du corps", elle est réellement ma sœur. Et comme toute sœur qui se respecte, je veille sur les miens. Je me dois de la protéger. Elle est si faible... Elle n'a jamais connu le monde extérieur, elle n'a jamais eu affaire à un Zaik... Elle est pure. Dans la F, nous sommes tous noirs. Noirs de haine. Noirs de peine. Mais elle, elle est blanche, immaculée. C'est la seule qui n'est pas sombre. Et elle le restera, j'y veille personnellement. Je ferais tout pour qu'elle se sorte d'ici, toujours aussi innocente.

J'arrive devant l'hôtel rapidement, et je m'engouffre dans le hall en le balayant du regard. Où est-elle ?

Le hall est vide, il n'y a que deux personnes à quelques mètres de moi. Le mec se tient la jambe bizarrement, et quand à la fille je ne la vois pas, une capuche lui cache le visage. La veste, masculine, est deux fois trop grande pour elle. Je sais que c'est Ghalia, ça ne peut être qu'elle.

Je m'approche rapidement et enlève la capuche d'un geste que je veux sec. Je ne sais pas pourquoi elle porte cette veste, et je pense qu'il vaut mieux que je ne le sache pas. Je lance un sale regard au ptit mec d'à côté et la tire par le bras.

- Allez, on rentre.

Ghalia - Enfin t'es là !

- Ouais, j'ai eu quelques petites galères en route. Bon allez, on a encore tout un plan à construire.

Elle hoche la tête et enlève doucement la veste de ses épaules, ce qui m'énerve. Elle s'approche du garçon, mais je la retiens par le bras. Qui c'est, ce mec ? Et qu'est ce qu'il lui veut ? Pourquoi il s'amuse à jouer au prince charmant ici ? On est pas dans un comte de fée mais dans un drame à la Shakespeare, alors qu'il arrête ses manières. Ghalia me lance un regard lourd, du style "laisse moi".

- C'est qui lui ?

Ghalia - C'est Eyad et...

Elle n'a pas un mot à dire de plus que le canon de mon arme se trouve entre ses deux yeux. Bordel de merde. Je la laisse seule quelques minutes et elle se retrouve avec Eyad Zaik. Un des salopards de la famille principale.

Ghalia fronce les sourcils face à mon geste, et m'attrape le bras.

Ghalia - Mais qu'est ce que tu fous Maria ?

- Je prend soin de toi.

Lui ne me quitte pas des yeux, le fait de se retrouver sur le bord de la tombe n'a pas l'air de l'effrayer.

Ghalia - Et bien lui aussi !

- Arrête. Tu ne sais pas qui c'est !

Ghalia - Il m'a aider Maria ! A I D E R.

- C'est un des frères Zaik, ça m'étonnerais qu'il t'ait rééellement aider.

Je m'approche un peu plus de lui.

- C'est quoi le plan ? Ton enfoiré de frère va débarquer ici et puis quoi ? Hein ?

Je bouge mon arme, tentant de le déstabiliser, mais il ne cille pas.

Eyad - Il n'y a pas de plan. Pendant que tu faisais je ne sais quoi, elle était seule. Tu ne pourrais pas juste dire merci ?

Je grince des dents. Petit con.

- Je ne te fais absolument pas confiance.

Il haussa les épaules, comme si cela lui importait peu.

Ghalia - Baisse ton arme. Il ne nous fera rien.

J'hésite quelques secondes, puis la baisse. Il souffre à la jambe et n'a pas l'air d'avoir d'armes sur lui. Il est vulnérable, s'il tente quelque chose je n'en ferais qu'une bouchée.

Ghalia s'approche de lui, lui pose sa veste sur les épaules et lui fait un petit sourire.

Ghalia - Merci.

Il ne bronche pas, mais la regarde. Il la regarde comme si elle était un petit rubis. Une pierre précieuse. Il ne la quitte pas des yeux, même si elle baisse la tête toute gênée.

Eyad - Avec plaisir.

- Ghalia, on se casse. Maintenant.

Elle me rejoint au pas de course, et nous sortons de ce hall sous le sale regard du réceptionniste.


***E***

Ghalia ? Elle s'appelle Ghalia.

Il n'y a qu'une Ghalia.

Et c'est la fille principale des Ben Said.

« Fleur d'amour »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant