- Ariane ! Va mettre les enfants à l'abri ! rugit-il. Vite ! Je vous aime.

Même si j'allais bientôt avoir vingt ans, je me sentis soudain si minuscule et démunie. Nous sortîmes de notre torpeur, et ma mère nous tira tout trois par le bras, alors que mon père sortait dehors. Nous eûmes à peine le temps de nous retourner que la porte vola en éclats. Trois soldats armés entrèrent dans notre foyer. Je reconnus immédiatement l'armure des soldats romains et les quatre lettres SPQR gravées sur leur bras, confirmèrent mon intuition.

- Il y en a trois ici ! beugla le premier Romain.

Nous étions tous les quatre terrorisés, blottis les uns contre les autres. Le soldat s'avança, et attrapa violemment mon petit frère, qui se mit à crier tout en pleurant.

- Maman, maman aide moi ! sanglotait-il en se débattant.

Ma mère ressemblait à une lionne prête à tout pour protéger ses petits. Elle fonça en direction des soldats. Mais très vite elle fut immobilisée et on l'assomma. Elle s'effondra au sol, inconsciente. Nous laissâmes tout trois échapper un cri d'effroi.

- Elle est trop vieille pour être esclave, laissez la ici ! ordonna le chef de la troupe.

- NON ! hurla mon grand frère.

Il était maintenant sortit de sa torpeur, et seul la colère le dominait à présent. Une veine pulsait à sa tempe. Il ne put se contenir plus longtemps et frappa violemment le soldat à sa droite.

- Vous n'approcherez pas ma famille ! cria-t-il en continuant à se battre.

Je m'étais rapproché de Jason et essayai de le sortir des griffes du soldat, sans succès.

- Tu crois vraiment être à la hauteur petite ? se moqua-t-il.

Il se pencha d'avantage, les yeux noirs, un sourire carnassier défigurant son visage.

- Tu n'es rien. me souffla-t-il.

Je fus prise d'un violent frisson de dégoût. Un autre soldat débarqua dans la maison.

- Chef, nous avons récupéré une quarantaine d'enfants !

- Très bien, répondit celui qui tenait mon petit frère entre ses bras. Occupe-toi de celle-là.

Il me désigna et l'autre soldat m'empoigna fermement. Je me débattais de toutes mes forces, le griffai, hurlai. Je tentai même de le mordre, mais sa poigne était ferme et il ne me lâcha pas. Il avait fallut les deux autres soldats pour immobiliser Marcus qui tentait tout de même de se dégager de leur emprise. Où était mon père ? Ma mère était-elle morte ? Alexandre et mes amis avaient-ils aussi été capturés ? Je laissai échapper un cri hystérique. Pourquoi nous faisaient-ils cela ?!

Les quatre soldats nous trainèrent tous les trois dehors, alors que nous tentions toujours de nous échapper. Mon ainé me lança un regard rassurant.

- Ca va aller, Daphnée, je te le promets, ils ne nous sépareront pas.

Dans le village, c'était le chaos. Des dizaines de soldats armés tenaient fermement des enfants de cinq à vingt ans. J'entendais des hurlements de protestations et d'autres, bien pires, de douleur. Lorsque je me retournai, ce que je vis me glaça le sang. Des cadavres étaient étalés sur le sol. Des personnes que je connaissais depuis toujours étaient désormais sans vie. Je voulus cacher les yeux de mon petit frère pour lui épargner toutes ses horreurs, mais il n'était plus à côté de moi. Une longue plainte sortit du fond de ma gorge, tandis que je laissai échapper quelques sanglots. Je tentais de me rassurer en cherchant dans la foule qui se déchainait contre les soldats, des visages familiers et bien vivants. Je n'aperçus ni mon père, ni Alexandre.

- Brûlez le village !

Je tentai de me retourner pour voir qui avait donné cet ordre inhumain, mais le soldat continua à me tenir fermement. Impuissante, je regardais les Romains allumer des torches et les jeter sur les maisons alentours. Ils détruisaient mon village. Sans aucun scrupule. Les foyers de mes voisins partaient en fumée et on entendait tout le monde hurler et se révolter. Je fermais les yeux j'étais anéantie. Une odeur de brûler et de chaire calcinée atteint mes narines. Je me penchai et vomis tout ce que j'avais dans le ventre. J'avais cette bile au fond de la gorge qui persistait.

Lorsqu'on mit feu à ma maison j'entendis des hurlements. Ceux de mes frères, ceux de mes amis. Je me rendis compte que je hurlais aussi lorsque le soldat qui me tenait me gifla.

- Tais-toi ! Arrête de bouger.

Mais je ne pouvais pas. Comment pourrais-je ? Avait-on sorti ma mère de là ? S'était-elle réveillée et avait-elle pu sortir avant ou bien brûlait-elle dans une lente agonie à l'intérieur ? J'étais effondrée mais je continuai à donner des coups de pieds à lacérer tout ce que j'atteignais. Il fallait que je la sorte de là ! Je devais la sauver !

Le soldat se retourna brusquement et m'attacha violemment à une corde où des dizaines d'autres enfants étaient attachés. Je vis mes frères qui étaient tenus à la corde un peu plus loin. On aurait dit des fantômes. Nous étions tous couverts de cendre et de sang. Tous les enfants pleuraient, appelaient leurs parents. Certains étaient minuscules. Les cordes qui nous reliaient étaient rattachées à des chevaux.

Un enfant réussit discrètement à se détacher et s'enfuit rapidement, haletant. Il courait, de ses jambes frêles. Un soldat le repéra et lui trancha la gorge. Son corps devint lourd et il s'effondra. Je vomis à nouveau, révulsée et frissonnante.

A nouveau, je cherchais mes parents et mon meilleur ami des yeux. Seulement, je n'avais que l'Enfer face à moi, qui donnait comme image des hommes torturés et des maisons brûlées. Les soldats repartirent sur leur monture et se mirent en marche. Quelque chose me tira violemment le poignet. C'était la corde reliée au cheval qui me forçait à avancer. Nous étions pleins d'adolescent à cheminer les uns derrières les autres à pas lents.

- Daphnééééee ! entendis-je hurler au loin.

Je reconnus immédiatement la voix. C'était Alexandre ! Nom de Jupiter, il était sain et sauf ! Il venait de sortir d'une cachette dans un arbre à l'orée de la forêt. Il semblait épouvanté et serrait dans ses bras, une de ses nièces avec force. En voulant la mettre à l'abri, il avait échappé au pire. Je me retins de crier son prénom, par peur que les soldats ne le remarquent et l'embarquent avec nous. Lorsqu'il comprit cela, une expression d'effroi et de douleur se peignit sur son visage. La vision de la réalité. Il posa sa nièce et sol et la rendis à sa sœur qui pleurait et se mit à courir. Il courait à en perdre haleine, le bras tendu tentant de m'attraper alors que j'étais à des mètres de lui.

- Daphné, non je t'en prie, ne m'abandonne pas ! hurla-t-il.

Il redoubla d'intensité, prêt à me récupérer de force. Un homme du village dû comprendre son intention car il l'empoigna et le stoppa brutalement dans sa course. D'autres hommes le maintinrent afin qu'il ne coure pas vers sa propre mort. Je l'entendais hurler mon prénom, et cela me déchira le cœur. Une dernière fois, je me retournai et lui envoyai un baiser qu'il ne vit jamais.»

La tête baisséeTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon