I - Epacris

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Epacris - Épacris - synonyme d'élévation.


C'est avec appréhension qu'Ed Crosby mit les pieds dans le bureau de l'un de ses supérieurs. Ed n'était qu'un secrétaire. Il attendait de trouver un emploi ailleurs, un travail qui lui correspondrait, qui lui tiendrait à cœur : il rêvait d'être dans l'automobile. Amoureux du Japon, cet Anglais aux racines Écossaises raffolait des petites spécialités telles que les tempuras, les makis, et bien évidemment, les incontournables sushis. S'il appréciait également leur culture, il n'avait jamais lu de manga ou vu l'une de leurs émissions télévisées. Il préférait de loin les manuels de construction de voitures Mazda ou Toyota, qu'il avait soigneusement appris sur le bout des doigts lors du vol Oxford-Tokyo.

Et au lieu de cela, il se retrouvait coincé derrière un bureau, à pianoter sur un clavier et à répondre au téléphone. Une vie passionnante d'un japonais moyen, dont il avait sûrement dû voler la place. Il n'avait qu'à attendre, il quitterait bientôt les locaux de Eveer pour rejoindre, il l'espérait, les usines Mazda. La place de secrétaire serait encore toute chaude...


<< Monsieur Crosby ! tonna son supérieur. Je n'espérais pas vous voir de si tôt. Venez, je vous en prie, asseyez-vous. >>


Le subordonné prit place dans un fauteuil vert sombre, assez modique, qui reflétait la position de son supérieur dans l'échelle des employés d'Eveer. C'était une firme transnationale dirigée par Akio Watanabe, un homme brillant mais aveuglé par le progrès. Concurrente d'Apple en matière de téléphones portables, l'entreprise avait connu un succès grandissant ces deux dernières décennies, notamment grâce à l'indépendance de ses machines qui aidaient leurs propriétaires en de nombreuses tâches. Ed Crosby n'en avait pas. Il ne se sentait pas très à l'aise avec toutes ces assistances. Il se demandait même pourquoi la firme l'avait accepté dans leurs locaux.

Il se fit vertement enguirlander par son supérieur pour avoir amené chez eux un téléphone d'une marque concurrente. Ce n'était pas de sa faute s'il préférait Samsung ! Néanmoins il ne dit rien et garda le tronc droit malgré tout. Son parcours professionnel était parsemé d'embûches, il le savait, et il ferait de son mieux pour contenter ses chefs. Même s'il n'était pas dans la branche qu'il souhaitait, il voulait atteindre les plus hauts sommets et voir la cime de la jungle de béton environnante, juste pour s'élever là où personne n'allait. Il n'aimait pas la foule. Un jour, ce petit chef de bureau qui se tenait devant lui avec cet air bêcheur tremblerait sous son regard. Mais pour l'instant, plantés entre quatre murs, ils ne pouvaient que servir de végétation. Et la forêt était dense dans un milieu aussi secondaire tel que l'était l'un des échelons les plus bas d'une si grande entreprise.

Lorsque son supérieur lui tendit un portable de leur marque, Ed Crosby sentit qu'une épine lui était enlevée du pied.


<< Bien sûr, la somme vous sera déduite de votre paye du mois. >>


Ces mots semblèrent l'assommer à coups de hache. Peut-être devait-il rendre le téléphone. Il était bien trop cher pour qu'il puisse se le permettre... Mais le regard réprobateur de son chef l'en dissuada, et il rangea lentement le nouvel objet dans sa poche.


<< Continuez comme ça, Monsieur Crosby. Vous faites du bon travail. >>


L'employé se leva et serra la main tendue par son supérieur, puis s'inclina et s'éclipsa. Ses heures de travail étaient terminées, il pouvait rentrer chez lui - mais pas sans passer dans son café favori, bien évidemment.

EveerOnde histórias criam vida. Descubra agora