3. Hekar, le frontalier.

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L'air sérieux de la jeune fille disparut sèchement pour, à son tour, laisser place à une mine outrée.

— Tu penses qu'à toi-même. Tu me plantes pendant des heures alors qu'on a du travail, pour combattre des ennemis imaginaires, tout ça pour revenir et me dire que le chien est plus utile que moi ? Merci bien, Elke. Avoir une amie comme toi, ça fait plaisir, termina le bergerot.

Comme pour appuyer ses propos cinglants, le canidé aux longs poils blancs et noirs se précipita vers lui et l'encercla, frétillant de la truffe à la queue. La jeune bergère fit une grimace coupable et s'approcha de son ami dans l'espoir de lui présenter de plus sincères excuses. Ce dernier lui jeta sans merci une boule de vêtements qu'elle se prit en pleine figure. Sa robe se déplia dans ses mains, mais ne s'en souciant guère, elle continua sur sa lancée.

— Excuse-moi. Tu as raison, c'était pas sympa de ma part...

— Je ne t'excuse pas. Pas maintenant, lui répondit-il, de mauvaise foi. Le bougre, pensa-t-elle, sans pour autant se fâcher. Elle aimait Ran comme il était, et ça voulait dire grincheux, têtu certes, mais aussi terriblement bon envers elle.

— Tu penses vraiment ce que tu as dit ? demanda-t-elle après un silence. Que je suis imbuvable...?

— Ouais, franchement tu devrais travailler sur ça, dit-il en hochant la tête, l'air parfaitement convaincu.

— Quel baveux, rétorqua-t-elle en lui donnant un coup de poing dans le bras, ce à quoi il répondit par un petit cri de douleur.

— ...Et aussi m'aider à surveiller le troupeau, ajouta Ran qui tenait son membre douloureux d'une main et lui jetait un regard réprobateur, le visage pincé de douleur. Elke lui fit un de ses sourires étincelants et espiègles, puis se détourna pour défaire le cordon de ses braies. Il se mit à fixer l'horizon avec un intérêt soudain.

— Quel monstre, parler comme ça à une fille, lui renvoya-t-elle.

— C'est toi, la baveuse ! s'offusqua le jeune garçon, d'une voix aiguë. Un rire lui répondit.

— Tu sais que je te taquine. On fait la paix ?

— Et tu m'aides avec le troupeau ?

— C'est vrai que tu n'es pas encore un grand garçon, et que t'as besoin d'une fille pour t'aider...

— De un, s'énerva le berger, t'es pas ma mère, et de deux, on est censés faire ça ensemble !

— Je blague, Ran ! Détends-toi un peu. Et si la prochaine fois, tu t'entraînais avec moi ? Comme ça tu serais pas tout seul.

— Ouais, et c'est Ork qui s'occupera des moutons pendant ce temps ?

— Il se débrouille plutôt bien, non ? Je veux dire, si on le faisait pas loin de manière à les surveiller quand même ?

— Non merci, ça ne m'intéresse pas.

— Tant pis, fit-elle tandis qu'elle nouait son tablier autour de sa taille une fois sa jupe et sa tunique enfilées.

Elle récupéra ensuite la chemise, le pantalon et son paquet ficelé jetés par terre, puis s'approcha à nouveau de son ami pour lui lancer un regard empli de sous-entendus. « Tu es sûr ? Ça te donnerais l'occasion de frimer au village.

— Navré, répliqua Ran, j'ai tout sauf l'intention de me transformer en tas de muscles qui ne jure que par le combat et le pain liquide. Non, parce que ça a vraiment un goût atroce. Et j'ai surtout l'intuition d'avoir mieux à faire.

— Si c'est l'intuition qui te le dit, consentit Elke avec un rictus, et son ami leva les yeux au ciel. « Non mais tu as raison, si tu n'aimes pas, ne te force pas...

La Légende de Doigts GelésWhere stories live. Discover now