-Un membre des Reynolds, autant accueillir le dernier membre, n'est-ce pas ? chuchota le général à mon égard. Colonel Reynolds, cela fait longtemps que cette tâche n'a pas été réalisée par vos soins, invita le général.

Mon regard dévia vers la silhouette qui se détacha du rassemblement, mon corps se redressa tandis que j'imprimais dans ma rétine, chacun de ses mouvements. L'allure digne, la carrure carrée, le regard baissé vers ses chaussures, il avançait sans daigner me regarder. Et mon cœur se serra à cette pensée. Ses cheveux longs contrastaient avec son uniforme, sa plaque contre son torse tressautait plus il avançait vers moi. Un reflet argenté provoqué par la lumière éclairant le drapeau me fit remarquer la présence d'un petit objet ajouté à sa plaque.

Il s'installa en face de moi et se baissa pour attraper les fils. Je fis de même, mon regard ne le quittant pas.

Deux ans, deux ans que je ne l'avais pas vu. Deux ans qu'il était devenu un fantôme de ma mémoire, de mes souvenirs. Deux ans qu'il m'avait arraché une partie de mon palpitant. Et il se trouvait devant moi, bien réel, vivant, et toujours aussi imposant. J'allais le voir tous les jours, désormais... Mais au détriment de voir les autres.

Le sifflet annonçant le début de l'opération me fit sursauter. D'un même geste, nous tirâmes le fil, faisant descendre le drapeau. J'accentuais mes gestes pour l'attirer davantage à nous.

Je continuais de scruter mon cousin, ne quittant pas des yeux la visière de sa casquette qui me cachait son visage. Il renifla discrètement, mais pas assez pour que je ne l'entende pas.

-James, soufflais-je cherchant par-dessus tout à croiser son regard.

Ce regard qui m'avait tellement manqué...

Il releva la tête, liant ses yeux aux miens, liant ses prunelles embuées de larmes aux miennes, liant sa joie, sa surprise et son amour pour moi à mes simples yeux. Je ne savais pas ce qu'il pouvait y lire, mais son visage s'éclaira d'un doux sourire. Nous étions liés par le sang, par la famille, par le métier, mais aussi par l'amour de l'armée et par l'importance accordée à ce drapeau qui descendait vers nous.

Nous étions enfin réunis et nom de dieu c'était juste magique...

Le drapeau termina sa descente au niveau de notre torse, je détachais l'attache qui l'accrochait au fil et attendis que mon cousin fasse la même action de son côté. D'un regard, d'une même geste nous réunîmes les pans du drapeau et le pliâmes comme la tradition le demandait. Le général vint se placer face au drapeau à distance égale de nous et tendit les mains. Nous y déposâmes le drapeau et fîmes le salut militaire.

Le sifflet marquant la fin s'éleva dans la douceur de la nuit, montant vers les étoiles et vers la lune qui s'étaient installées rapidement dans le ciel. Vers ces mêmes étoiles et cette même lune que j'avais contemplées pendant des années à m'en rompre la nuque. Car j'étais sûr d'une chose, à l'époque, où que je sois et où qu'il aille, il les voyait lui aussi...

Le général fit un demi-tour afin de se positionner face aux régiments présents en position de garde à vous. Il inspira un grand coup et se mit en marche de façon militaire vers les bâtiments qui se discernaient dans la pénombre. Toujours au garde à vous, je ne bougeais pas totalement perdu et assez perplexe. Dans un mouvement qui me sembla durer des heures, James abaissa sa main et contourna le porte-drapeau pour m'attirer dans ses bras. Je me retrouvais plaqué contre son torse en soubresauts constants. Les pleurs barraient son visage, sa voix murmurait sans arrêt des paroles incompréhensibles. Je resserrais mon étreinte autour de lui, je ne lui avais jamais fait de câlin auparavant, même le jour de son départ, auquel je n'avais pas voulu venir.

War is love (Terminé)Where stories live. Discover now