Chapitre 3

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      Tel un fauve en cage, Adrastée tournait en rond depuis ce qui lui paraissait des heures. Léonard était descendu avec leurs hommes pour finaliser son union, la laissant sur le navire telle une marchandise de valeur qu'on ne montre qu'à la dernière minute pour impressionner les acheteurs. Nerveuse, elle ne cessait de replacer les pans de sa robe et sa chevelure le long de son visage, en des gestes répétés mille fois, par automatisme, par besoin. Aux yeux du monde, être belle était ce qu'elle savait faire de mieux.

          S'ils savaient... ricana-t-elle intérieurement.

          Comme pour confirmer ses petits secrets bien gardés, elle referma l'un des coffres qui contenaient ses affaires. Sous ses doigts tremblants, le bois était rêche, et elle s'attarda sur cette sensation, essayant de se vider l'esprit. Cela fonctionna tant qu'elle n'entendit pas les pas sur le pont.

          _ Adrastée ? C'est l'heure.

          Elle sursauta et se retourna vivement, les joues en feu.

          _ Tout va bien ? s'enquit son frère, un pli soucieux au milieu du front dénotant avec sa décontraction coutumière.

          _ À ton avis ? s'écria-t-elle, sarcastique.

          Pour toute réponse, Léo leva les yeux au ciel. Au lieu de l'agacer davantage, Adrastée eut un pincement au cœur. Elle entendit résonner la voix de sa mère par-dessus le bruissement des vagues « Ne fais pas ça ou tu vas rester coincé!». Elle avait toujours détesté que ses frères aient ce réflexe, outre l'insolence et l'ironie qu'il témoignait.

          _ Nous pouvons y aller ? l'interrogea-t-il, interrompant ses pensées nostalgiques.

          _ Ai-je seulement le choix ?

          Il s'avança vers elle et lui tendit la main. Ce n'était pas qu'il ne voulait plus discuter avec elle, malgré sa mauvaise humeur insupportable, mais simplement qu'il était dépourvu de mots face à son désarroi, son chagrin et sa peur. Même s'ils étaient nés dans l'argent et les titres, leurs parents leur avaient appris à être une fratrie soudée, qui s'aimait sincèrement. Léonard souffrait de ce qu'il était en train de faire, même si c'était pour la protéger.

          Elle lui prit la main et le suivit dehors. Maintenant qu'ils étaient amarrés, la falaise était d'autant plus impressionnante. Un port avait été taillé et construit à même la roche, leur permettant de passer du navire à la terre ferme à l'aide d'une passerelle ingénieusement installée et conçue. Son frère ne la lâcha pas un instant tandis qu'ils grimpaient le long de la falaise, sur un chemin sinueux où elle dû prendre soin de préserver sa robe de déchirures. Elle ne put malheureusement pas la prémunir contre quelques tâches d'herbes et de terre.

          Arriver comme une malpropre... Ils auraient pu me permettre de me changer dedans!

          Même alors qu'elle pestait, elle était consciente que cela aurait été compliqué. Ce mariage devait être réglé au plus vite, et dans un pays aussi rustre que l'Écosse, la coquetterie d'une épouse n'était pas prise au sérieux. 

          Arrivée devant la bâtisse haute et silencieuse, un frisson d'appréhension la parcourut. L'endroit était d'un calme inattendu. Elle s'était renseignée sur les Highlands avant son départ, et avait cru comprendre que le château du Laird tenait une place centrale dans la vie communautaire. Or, l'édifice était vide.

          Ils traversèrent la cour, entrèrent par la porte principale et se dirigèrent vers la plus grande salle. À l'entrée, les deux nobles français restèrent figés une minute. La pièce était haute de plafond, si haute que la pierre grise était difficile à distinguer. Sur la gauche, la cheminée rougeoyait d'un feu impétueux, indispensable même au mois de mai. Sur la droite, toutes les tables de repas semblaient avoir été poussées contre le mur, pour faire de la place.

Pour l'Amour d'un Highlander ✔️Where stories live. Discover now