—     Eux aussi?

Il hocha la tête.

—     Ils étaient les premiers à qui j'osais en parler. C'était l'été avant que je ne commence la fac. Je stressais un peu, c'est vrai, mais je me disais qu'ils m'aimaient tellement qu'à défaut de me comprendre, ils me respecteraient.

—     Je suppose que ça ne s'est pas passé comme prévu?

Il soupira.

—     Non. Depuis, mon père fait comme si de rien n'était. Ma mère, elle, essaie de me caser avec n'importe quelle fille, ça en devient gênant. Ils étaient si heureux, si soulagés quand je leur ai présenté Lydia...

Harry fronça les sourcils.

—     Je comprends, mais Marcus, j'aurais aimé être au courant. J'aurais aimé savoir. Vous n'aviez pas à faire semblant d'être quelqu'un que vous n'étiez pas... pas avec moi, du moins.

Au fond, il n'était pas choqué ou dégoûté, juste agacé contre lui-même de ne pas s'en être douté une seule fois. Depuis qu'ils se connaissaient, il n'avait jamais pensé remettre en question la sexualité de son ami, pour la simple et bonne raison qu'il ne lui avait jamais donné la moindre raison de croire qu'il puisse être attiré par la gente masculine.

À la fac, le garçon se vantait même à qui voulait bien l'entendre que plein de filles rêvaient de coucher avec lui, qu'il avait l'embarras du choix. Il se rappelait sans mal le contexte de leur première rencontre : dans un amphithéâtre bondé, le petit effronté s'était levé et, tout fier, avait clamé qu'il adorait que les filles lui taillent des pipes alors que ces dames, et même quelques-uns de ces messieurs, le dévisageaient la mâchoire grande ouverte.

Harry, lui, s'était retenu de ne pas l'applaudir pour tout le culot dont il faisait preuve : même aujourd'hui, aucun de ses étudiants n'oseraient provoquer un tel scandale. Cela dit, il était clair à présent que l'arrogance de Marcus n'avait été qu'une façade, qu'une comédie qu'il avait naïvement gobée, comme bien d'autres avant lui.

—     J'ai longtemps pensé à tout vous avouer, confia Marcus. Mais je repensais chaque fois à la réaction de mes parents et je perdais tout courage.

Harry déclara, sans mâcher ses mots :

—     Je pense que si vos parents vous aimaient vraiment, ils n'auraient pas réagi de cette manière.

Marcus haussa les épaules.

—     Peut-être. En attendant, à les écouter, je souffre d'une espèce de maladie.

Il regarda les murs blancs de la minuscule chambre d'hôpital, et au même moment, une jeune infirmière passa devant sa porte ouverte. Elle poussait un grand charriot blindé de médicaments en tous genres. Une fois partie, il déclara, pince-sans-rire :

—     Ils vont être ravis de voir qu'ici, je suis entre de bonnes mains.

Harry roula les yeux, pas le moins du monde amusé.

—     Vous n'êtes pas fou ou malade. Je vous défends de penser ça. Nous ne sommes plus au Moyen-âge.

—     J'en ai pourtant l'impression, répliqua Marcus en se redressant dans son lit avec moult précautions. Vous avez dû lire quelques articles me concernant?

—     Un seul. Il y était fait mention d'un certain Alistair Callaghan...

—     C'est de lui que je vous ai parlé en arrivant chez vous. Il préfère qu'on le surnomme Alice, cela dit, expliqua Marcus avec un petit sourire gêné.

Rimbaud et LolitaWhere stories live. Discover now