Sans un mot, il prit place sur la chaise de plastique qu'une infirmière avait dû laisser dans la chambre à l'intention d'un éventuel visiteur. Comme son ami ne se réveillait toujours pas, après vingt bonnes minutes, il secoua doucement son avant-bras.

—     Marcus? C'est moi, chuchota-t-il.

Lentement, le jeune homme ouvrit les yeux, si boursoufflés qu'il était incapable de les refermer correctement. Confus, il regarda tout autour de lui et, inévitablement, grimaça, mains sur les côtes.

—     Doucement, lui ordonna Harry. On a dû vous dire que vous aviez des côtes fêlées?

Marcus voulut parler, mais toussota et n'émit que des sons mal articulés.

—     Tenez, buvez.

Il prit le verre d'eau qu'il lui tendait et l'avala d'un trait. Il resta silencieux un bon moment, la tête penchée sur le côté, avant de croasser :

—     Qu'est-ce que vous faites ici, Harry?

—     Je ne suis pas certain de comprendre la question.

—     Vous n'avez pas envie de prendre vos jambes à votre cou, maintenant que vous connaissez la vérité?

À l'entendre, il avait du mal à y croire. Bien calé contre le dossier de sa chaise, Harry résuma :

—     Vous pensiez que je ne voudrais plus rien savoir de vous si jamais j'apprenais que vous aimiez les hommes, c'est ça?

Sa question dut le déstabiliser, car il le regarda d'un air ahuri, muet. Les bras croisés, Harry insista : 

—     Vraiment, c'est là l'opinion que vous avez de moi?

—     Non, c'est là un risque que je ne voulais pas prendre, s'irrita Marcus. Depuis que Lydia a tout balancé aux journalistes, plus personne ne me regarde la même manière, et je ne suis pas le seul à en souffrir. Maintenant plus que jamais, les gens comme moi ont droit à des regards de pitié, de dégoût, et même de haine. Je ne voulais pas que vous vous y mettiez, vous aussi. Je ne l'aurais pas supporté.

Sacré Marcus, toujours aussi sensible. Comment avait-il pu croire qu'il lui tournerait le dos pour si peu? 

—     Vous avez donc préféré me cacher la vérité, asséna-t-il, peut-être un peu trop sèchement.

Marcus posa sur lui son regard de chien battu, et si Harry pensa à s'excuser, il se ravisa au dernier moment : se montrer trop doux avec lui ne mènerait à rien, sinon à l'encourager à s'apitoyer sur son sort.

Or, ce qui comptait à l'heure actuelle, ce n'était pas de pleurnicher tous en chœur, mais de comprendre ce qui s'était passé. Bien que la situation soit grave, elle n'était pas tragique : Marcus n'était pas, à ce qu'il sache, en danger de mort.

—     Je sais, j'aurais dû jouer franc jeu avec vous, reconnut-il finalement. C'est d'ailleurs ce que je voulais faire en venant à Aurora. Je voulais tout vous avouer de vive voix, en face-à-face.

—     Vraiment? Eh bien, que s'est-il passé pour que vous changiez d'avis?

—     Vous avez tout de suite pensé que j'avais trompé Lydia Gloor avec une autre femme, voilà ce qui s'est passé. Sur le coup, je n'ai pas eu le courage de vous corriger, et encore moins de tout vous avouer.

—     Vous aviez à ce point peur de ma réaction? 

Marcus sourit tristement.

—     On ne sait jamais comment les gens vont réagir en apprenant ça. Mes parents, par exemple...

Rimbaud et LolitaWhere stories live. Discover now