1. Floraison

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  La flamme oscillait devant ses yeux, danse incertaine et vive. Comme si prisonnière de sa bougie, elle cherchait par quelques vains débats  à embraser l’air. Ou bien quelconque objet qui lui aurait permis de vivre plus longuement. Mais c’était inutile.
Un souffle unique, assez las, fait tanguer un instant le feu qui consumait si désespérément la cire. Jusqu’à l’éteindre totalement, en un petit son étouffé. Ne restait à présent plus qu’une fine colonne de fumée grisâtre, qui eut bien vite fait de s’évaporer par-dessus la tartelette au citron d’un certain garçon.

Jeon JungKook restait là, les bras croisés sur le rebord de sa table de bois usé. Menton calé contre le dessus de ses mains, afin de pouvoir à son aise observer son meurtre. D’un œil vaguement perdu entre la réalité et ses songes. C’était la même chose chaque année de toute façon, pensait-il. Il venait d’arriver à son dix-huitième cadavre de bougie et rien n’avait osé changer.  Il se demandait même pourquoi il s’obstinait chaque année à fêter son maudit anniversaire. Peut-être pour la tarte au citron ?
Redressant légèrement la tête, le jeune adulte se décide enfin à retirer la petite chandelle de sa sucrerie ; avant de commencer à la manger. Comme à son habitude. C’était tout un art. D’abord, il fallait récolter la crème de citron du bout du doigt. Jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Puis alors, et seulement là, il s’autorisait à manger la pâte sablée de sa tartelette. Aux yeux de certains cela pouvait paraître étrange voir ridicule, mais à son sens cela semblait totalement normal. Il le faisait depuis toujours après tout. Même s’il n’arrivait pas à se souvenir de l’origine de cette manie.

Bah peu importe, songeait-il en achevant sa pâtisserie, et par la même occasion le seul instant de fête qu’il s’accordait le jour de son anniversaire. C’est d’ailleurs pourquoi, comme éveillé d’un songe soudainement, il pousse un soupir et se relève. Rejoignant la minuscule pièce qui lui servait de salle de bain. C’était à peine s’il pouvait y faire deux pas… et d’ailleurs le salon duquel il venait ne valait pas mieux. Il vivait dans un petit studio étudiant, perché au sommet d’un immeuble parisien qu’il se mettait à haïr de plus en plus. Ici tout s’entendait ; les gouttes de pluie fracassantes les soirs d’orage. Les piaillements des pigeons gras à l’aube, près du rebord de sa fenêtre. Et surtout… les musiques espagnoles que crachait la vieille radio de son voisin ; lorsqu’il n’entendait pas la femme de ce dernier pousser des cris dignes d’une actrice porno la nuit, bien entendu. Déjà qu’il peinait à trouver le sommeil en temps normal à cause de ses cauchemars…

Le jeune étudiant hausse alors les épaules, d’un air défaitiste et comme pour tenter de chasser au loin le poids invisible qui pesait sur son dos ; avant de se mettre à détailler en une grimace les cernes bleutées qu’il avait sous les yeux, et qui offrait un sinistre contraste avec l’opalin de sa peau. JungKook soupire, puis fixe un long instant son reflet. Était-ce celui qu’il devrait avoir ? Il venait de fêter sa majorité, dans la logique des choses n’avait-il pas toute sa jeunesse devant lui ? Alors pourquoi semblait-il déjà si usé par la vie. Lui qui était précédemment connu pour sa joie de vivre et le cristallin de son rire. Il avait suffit d’une simple semaine pour que tout bascule.

Un bref raclement de gorge, et le voilà à détourner son regard. Ses dextres se figeant contre le rebord du lavabo, à s’en faire blanchir les phalanges. Ainsi légèrement penché en avant, le brun profond de ses mèches lui tombait devant les yeux, mais il s’en fichait. Trop occupé à lutter contre le soudain mal de crâne qui le tourmentait. Était-ce dû au manque de sommeil ? Oh s’il savait alors que sa vie était tout simplement entrain de changer radicalement. Il ne pouvait se douter que cet anniversaire signait le commencement de quelque chose de bien trop grand pour qu’il puisse pleinement le saisir.
Non, à la place le voilà à froncer les  sourcils, partagé entre colère et inquiétude. Ce n’était vraiment pas le moment de tomber malade, demain débutait sa nouvelle année étudiante, son premier jour.  Et il était absolument hors de question de le louper.

Sins | Taekook Where stories live. Discover now