Chapitre 2

959 80 4
                                    

La porte de ma chambre s'ouvre et je prie pour que ce ne soit pas Élias. Je me sens prête à rouler à toute allure jusqu'à ma salle de bain et à m'y enfermer si c'est lui que je découvre de l'autre côté de la porte. Mais je n'ai pas à me donner cette peine car c'est seulement mon père qui passe la porte. Je vois la petite bouille de Oscar dans l'ouverture de la porte avant que mon père ne la referme. Je trouve cet enfant vraiment mignon mais son regard m'est insupportable. Il ne doit jamais avoir vu une personne en fauteuil roulant pour me regarder avec tant d'insistance. Je sais que ce n'est pas méchant, ce n'est qu'un enfant curieux mais ça me rappel trop ma différence.


- Comment va maman ? » Je demande alors que mon père s'assoit au bord de mon lit et regarde comme moi par la fenêtre la neige tomber tranquillement.

- Elle discute avec Élias ... Ça lui fait du bien qu'il soit là. Et Oscar lui redonne le sourire. »M'annonce-t-il en posant les yeux sur moi.

- Tu me dis ça parce que tu veux que je les accepte mais tu sais que je ne peux pas. » Je réplique immédiatement tout en plongeant mon regard dans le sien.

- Jade ... » Soupire mon père d'un air triste.

- Papa, tu n'as pas vu comment Élias m'a regardé. Je ne le supporterai pas. » Je lui assure en me détournant cette fois-ci.

- Alors comment on fait ? On leur demande de partir ? .... La mère de Élias vient de mourir. Et il a été obligé de vendre la maison dans laquelle ils vivaient tous les trois parce qu'il n'a plus de travail. Ils n'ont nul part où aller Jade. Le petit n'a que quatre ans, tu ne crois pas qu'il a droit à un toit pour Noël ?

- Est-ce que tu essayes de me faire culpabiliser ? Moi ? Et où est la mère de ce petit d'ailleurs hein ? Elle ne peut pas lui offrir un toit elle ? »Je m'énerve malgré moi.

- Elle est partie quand le petit n'avait qu'un an. Elle n'y arrivait pas. Elle était très jeune. »M'explique mon père d'une voix calme.

- Elle n'avait qu'à pas coucher si tôt ! » Je lâche d'une voix mauvaise.

- Jade, ça ne te ressemble pas ! »Me gronde à moitié mon père en se relevant.

- Ils n'ont qu'à rester, je reprend immédiatement, mais moi je ne sortirais pas de ma chambre. J'en ai marre qu'on me regarde comme si j'étais une bête de foire tu peux comprendre ça ? Sa pitié, sa gêne, sa curiosité, j'en veux pas ! Les gens ne peuvent pas comprendre ce que je vis et je ne veux pas qu'ils soient faussement gentils avec moi seulement pour se donner bonne conscience !

- Très bien ..., soupire de nouveau mon père, c'est dommage ... Ça fait cinq ans que tu ne vois personne à part nous et tes médecins. Il serait peut-être temps de t'ouvrir aux autres Jade. Tu n'as que vingt ans, tu as encore la vie devant toi.

- La vie qui m'attend n'est pas celle que je veux papa ... »


Mon père me fixe avec tristesse puis hoche la tête. Il quitte ma chambre sans un mot de plus et je sais que mes paroles l'ont blessé mais après tout c'est ce que je ressens et j'en ai marre de devoir tout garder pour moi pour les protéger de mon handicap et de mon mal-être. Je soupire un bon coup pour ne pas pleurer puis avance jusqu'à mon bureau. J'allume mon ordinateur et ouvre une page d'écriture. Voilà pourquoi je suis toujours là, voilà pourquoi je suis toujours en vie. Parce que j'ai l'écriture. L'écriture me permet d'oublier l'espace d'un instant mon fauteuil, ma paraplégie, mon accident, le fait que je suis handicapée, tout. Quand j'écris, quand je publie et quand je lis les commentaires de ces millions de gens qui dévorent mon roman avec passion, je suis une fille normale et même une fille chanceuse. Mais la vérité, c'est que je me cache derrière un pseudo pour publier mes histoires et que personne ne sait que c'est moi l'auteur,personne ne sait que je suis en fauteuil roulant, paraplégique ...Même mes parents ne savent pas que c'est moi. Ma mère dévore chaque nouveau chapitre que je poste et me rabâche qu'elle adore cette histoire sans savoir que c'est moi, sa fille unique et handicapée qui a inventé et écrit tout ça ... Je ne peux pas le dire, à personne parce que mon handicap ferait peur aux gens et je sais déjà que je perdrais ce seul petit bonheur qui me tient en vie.

La magie de NoëlWhere stories live. Discover now