Chapitre 28, Une peur animale

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Je cours. J'entends les bruits de l'animal derrière moi. Le vent fait voler mes cheveux, ils m'aveuglent, mais je continue de courir. J'entends les retombés de la bête sur le sol. Ceux-là sonnent comme une ritournelle, tip tap tip tap. Je sens son horrible odeur de plus en plus proche, je crie. J'ai cru sentir ses poils sur ma main. Je la retire vivement, il n'y a rien hormis quelques épines de sapins, ça fait mal, mais je ne m'arrête pas de courir. J'ai l'impression que mes mouvements ralentissent et pourtant le loup derrière moi se rapproche, je l'entends grogner, j'entends ses crocs s'entrechoquer.

Soudain, je vois quelqu'un devant moi. Elle est habillée de rouge et de noir. Du sang dépasse sur ses hanches, est-elle blessée ? Je me sens plus lourde et je transpire à grosses gouttes. Je me rapproche de plus en plus. Je me retourne, le loup n'est plus derrière moi. Je baisse la tête et vois mes pattes. Je jappe d'étonnement. Le bruit résonne dans mes oreilles. Suis-je le loup ? La tête monstrueuse et la gueule remplie de sang. Je me prépare à déchirer la chair, à broyer ce petit être. Elle se retourne, je suis saisie d'effroi. C'est moi. Mais, je n'arrive pas à m'arrêter. Je vois son visage apeuré, ses gros yeux, sa bouche muette sur un hurlement de terreur. J'imagine le goût du sang sur ma langue et cela me fait courir encore plus vite. Pourtant je ne veux pas. Je veux m'arrêter. Je ne peux pas. D'ici, je peux sentir son parfum, c'est celui de la forêt, de la peur et du soleil. Ses cheveux blonds me font penser aux contes pour enfants que notre mère nous racontait. Les humains qui veulent du mal aux loups, qui les chassent, qui les tuent. Avec méfiance, je m'approche encore plus et quand elle se retourne de nouveau, je bondis et la croque.

Ma mâchoire​ se referme dans le vide. Je m'arrête. La fille a disparu. Ah non, je la vois plus loin, elle saute dans le vide.

Je ne sens plus rien sous mes pieds et je voudrais crier. Le vent s'engouffre dans mes vêtements, la pression de l'air m'étouffe. J'ai l'impression de mourir. Je tombe, encore et encore ça ne s'arrête pas. Mon estomac remonte et mon cœur me fait mal.

Je me réveillais en basculant sur le côté. J'eus​ des spasmes et une grosse bouffé de chaleur. Je me mis à vomir de la bile. Océane se jeta sur moi et me demanda ce qu'il se passait. Je ne répondais pas. J'avais des acouphènes, je la regardais le regard vide. Je ne l'entendais plus. C'est alors que mon cœur s'emballa, mon souffle se fit court et rapide. J'avais chaud, je n'arrivais plus à respirer. Océane me regarda perdue, faisant des gestes qui devaient m'aider. Elle me parlait, néanmoins rien ne me parvenait, hormis le sifflement strident d'une alarme dans mes oreilles.

Soudain, je vis Thomas arriver d'un pas sûr. Il se planta devant moi et me gifla. La répercussion se fit dans mon oreille droite puis la gauche. Les larmes me montèrent aux yeux et j'entendis de nouveaux les supplications d'Océane.

Je me redressai lentement. La tête me tournait, je ne fis aucun commentaire. J'étais abasourdie par mon rêve et par la claque de Thomas. Contrairement à ce que j'avais pu penser, je n'étais pas sur ma couchette, mais en dehors de la grotte, adossée à la roche. La rosée du matin avait humidifié mes vêtements, je fus prise de tremblements. J'étais assise en tailleur, mon collier gisait au sol. Océane le saisi et me le mit autour du cou. Ses doigts froids me firent sortir de ma torpeur.

-Tu l'as retrouvé alors ! C'est chouette, tu vois que tu ne l'avais pas égaré, fit-elle guillerette.

Je me tournai vers Thomas, il ne me regardait pas, il fixait mon médaillon. Il ouvrit la bouche, mais après avoir jeté un coup d'œil à Océane, il la referma et se leva pour rentrer au chaud.

Je me levai. J'avais des fourmis dans les jambes. Quand je me mis à marcher, j'eus l'impression que des milliers d'aiguilles me piquaient la peau. Des larmes me montrèrent aux yeux, mais je les chassai. Pourquoi étais-je restée dehors ? La forêt en face de moi, formait des sentiments complètement contradictoires en moi. Elle m'attirait tout en me donnant de sacrés frissons.

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