Chapitre 3

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Le dessert aux trois chocolats n'avait pas fait long feu. La gourmandise l'ayant emporté, tout le monde s'était resservi. Pendant que les hommes débarrassaient la table et rangeaient le salon, Lana et sa mère essuyaient la vaisselle qu'elles venaient de laver. Lana était restée très proche de sa mère. La naissance de Bastian avait retendu les liens affectifs qui s'étaient étiolés à l'annonce de sa grossesse. Après avoir terminé ses études par correspondance et trouvé un travail en tant qu'assistante comptable, Lana avait tenu à déménager et à avoir une petite maison pour elle et son fils, tout en demeurant dans les parages. Nombre de fois, les grands-parents accueillaient leur petit-fils chez eux. Elles finissaient de ranger les couverts dans les tiroirs quand Lana surprit la mine soucieuse de sa mère.

— Maman, est-ce que ça va ?

— Oui, je vais bien.

— C'est papa alors ?

— Non, fit-elle en secouant la tête. Il n'a rien non plus.

— Pourquoi parais-tu si inquiète ? s'enquit-elle en fronçant les sourcils.

Mme Elliston poussa un soupir las.

— Il y a quelques jours, j'ai reçu un coup de fil assez étrange d'un homme qui me demandait si tu vivais toujours ici. Il m'a dit s'appeler Derek Norton et prétend être une de tes connaissances au lycée. Lana, je ne savais pas que tu le fréquentais. À l'époque, sa famille habitait une très grande maison dans le coin, avant de déménager à New York. J'avoue que j'ai trouvé assez curieux qu'il prenne de tes nouvelles. Il m'a aussi posé de... drôles de questions. Il était au courant de ta grossesse.

À ces mots, les mains de Lana se mirent à trembler. Derek avait appelé ! Il avait cherché à savoir si elle avait avorté ou si elle avait gardé l'enfant. L'émotion fit s'emballer les battements de son cœur. Le sang assourdissait ses tympans. Les souvenirs qu'elle avait remisés dans un recoin de son cerveau déferlèrent sur elle en de vagues géantes et menaçaient de l'engloutir. Elle tira la chaise de la cuisine et s'y laissa tomber, les jambes en coton.

La voix de sa mère lui parvint à travers un brouillard.

— Tu sais, je ne suis pas née de la dernière pluie. Un homme n'appelle pas pour prendre des nouvelles dix ans après, sans raison. J'ai tout de suite fait le rapprochement. Vous étiez dans le même lycée. C'est lui le père de Bastian, n'est-ce pas ? Tu n'as jamais voulu révéler son identité.

Les larmes inondèrent ses joues et Lana les essuya rapidement du bout des doigts. Elle croyait avoir trouvé un équilibre avec Scott, mais il suffisait que le nom de Derek revienne sur le tapis pour que toute son histoire amoureuse vacille. S'était-elle leurrée pendant tout ce temps ? La gorge serrée par l'émotion, Lana était perdue. Pour répondre à la question de sa mère, elle ne put que hocher la tête. Il ne servait plus à rien de garder son secret. Un silence pesant s'installa dans la cuisine. Tôt ou tard, elle devrait tout raconter à sa mère. Pour l'heure, elle ne s'en sentait pas la force. La blessure se rouvrait lentement, mettant son cœur à vif. Sa mère, compréhensive, vint lui entourer les épaules et déposer un baiser sur le sommet de son crâne.

— Qu... que lui as-tu dit ? émit Lana dans un souffle.

— Rien du tout, s'offusqua-t-elle. Certes, il m'a posé des questions, mais ce n'est pas pour autant que j'aie satisfait sa curiosité. Après tout, je ne le connais pas. En revanche, il m'a laissé ses coordonnées au cas où tu aimerais le recontacter... Je sais que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Je sais que c'est à toi de décider, mais je ne peux m'empêcher de lui en vouloir. Il t'a abandonnée en connaissance de cause. Et rester dix ans sans donner signe de vie, c'est faire montre d'un égoïsme monstre.

Son Premier AmourWhere stories live. Discover now