C R Y B A B Y

D O L L H O U S E

Quinze ans plus tôt...

C'était la maison de mes rêves: rose et blanche, grande, avec une piscine sur le toit. Mes Barbies étaient trop grandes pour rentrer dedans, alors ma mère m'avaient acheté des poupées plus adaptées.

C'est bien l'une des seules choses qu'elle avait fait pour moi.

Je voulais mettre de l'eau dans la piscine mais j'avais pas envie que maman me gronde si elle voyait que j'avais mis de l'eau dedans sans son accord.

Je descendis l'escalier sur la pointe des pieds, pour atténuer les grincements des marches. Ma mère était dans la cuisine, un verre plein à la main et une bouteille de whisky dans l'autre:

" Maman?, osais-je d'une voix craintive.
- Qu'est-ce que tu veux encore? Va jouer avec ta maison de poupée!!
- Je... je peux mettre de l'eau dans la piscine?
- Montre-moi ça."

Ma mère me suivit à l'étage, toujours équipée de sa bouteille.

" Tu vois, je veux mettre l'eau là, disais-je en désignant le trou sur le toit, Mel et les autres veulent nager".

Mel était ma poupée préférée. Elle était plus petite que les autres, avec de grands yeux et les cheveux bicolores: noir à gauche et bleu et rose à droite. Elle semblait toujours triste et perdue.

" Les poupées ça parle pas chérie. Puis pourquoi mettre de l'eau quand on a de l'alcool? C'est bien plus amusant, non? "

Maman déversa le contenu de sa bouteille sur le toit. Tout coula le long des murs rose bonbon, tachant les rideaux pâles. Le whisky continua sa route jusqu'à mes pieds puis s'infiltra dans le vieux parquet en bois. Enfin, il disparu en laissant le sol collant, ma maison ruinée et une odeur atroce.

"T'as plus qu'à tout nettoyer, Cendrillon.

Je retins mes larmes.

Aussi loin que je me souvienne, j'avais toujours connu ma mère alcoolique et mon père absent. Je savais qui il était oui, mais il avait préféré d'autres femmes à celle qui l'a épousé. Mon frère, de deux ans mon aîné était la seule personne là pour moi. Jusqu'à ce qu'il commence à fumer et à se droguer quelques années plus tard.

J'étais seule. Et je devais apprendre à vivre avec cette solitude.

Retour dans le présent...

"Amber? Amber??
- Excuse-moi, j'étais dans mes pensées; répondis-je.
- J'ai vu ça, honey. Bon, on est arrivés... T'es prête à affronter ça?
- Pas vraiment. Ça faisait des années que je ne lui parlais plus.
- Et ton père et ton frère?
- Ils n'étaient même pas là à l'enterrement... Tout le monde pensait qu'on était parfaits, tant qu'ils ne regardaient pas à travers les rideaux.
- T'as vraiment pas eu de chance.
- C'est vrai. Mais j'ai quand même réussi à passer au-dessus de ça et j'en suis là aujourd'hui.
- Je suis fier de toi, mon amour.
- Et moi de toi, Johnny. "

Johnny était l'homme qui partageait ma vie depuis mes 18 ans. Il m'avait ré-appris à vivre, avait écouté mes peines et mes joies. On s'était rencontré au lycée. Au début, je le détestais, lui et son caractère parfois trop impulsif. Nous avions le même groupe d'amis. Peu avant le bal de promo, il avait insisté pour être mon cavalier. Et c'était comme ça que notre belle histoire a débuté.

Nous descendimes de la voiture. Aujourd'hui était un grand jour. Ma mère était morte il y a 3 mois et je devais donc découvrir mon héritage. J'allais revoir les personnes que j'aime le moins au monde: mon père et mon frère. Celui-ci avait eu une autorisation de sortie de son centre de désintoxication pour quelques heures. Et mon père avait fait le déplacement depuis Londres pour l'occasion.

Une fois arrivée, je ne leur adressa pas un mot, ni même un regard. Je m'installai à côté du notaire. Johnny était à ma droite, Kyle (mon frère) en face de moi et l'homme qui me servait de père à côté de mon copain.

" Avant de commencer, je tenais à vous adresser à tous quelques mots. J'ai conscience que le climat qui règne entre vous n'est pas propice aux retrouvailles chaleureuses mais...
- Oh pitié, épargnez nous votre baratin, interrompit mon fraternel.
- Kyle! Tu pourrais au moins faire un effort pour maman!; criais-je.
- Excusez-le Monsieur le notaire, mon fils n'est pas dans son état normal, il est en désintox' vous savez?
- Toi, ferme-la t'as jamais été là pour nous; s'énerva Kyle."

Je sentis Johnny serrer doucement mon bras pour me calmer. Je tourna la tête vers lui. Je voyais dans ses yeux qu'il ne souhaitait pas le moins du monde que la situation dégénère. Mon père et mon frère continuaient de se disputer, le notaire lâchait des "s'il vous plaît, calmez vous." de temps à autre. Il fallait que ça cesse. Je me leva brusquement de ma chaise.

"STOOOOOP!!!"

Tous les regards étaient braqués sur moi. Seul le bruit de l'horloge se faisait entendre.

"Bien.... nous pouvons reprendre. Madame Martinez a laissé un important héritage derrière elle, mais je pense que vous vous en doutiez. Commençons par vous, Kyle. Selon le testament, vous héritez d'une somme de 50 000$. Celle-ci vous sera déversée une fois votre cure achevée."

Mon frère fit légèrement la moue. C'était la troisième cure qu'il entamait. Ma mère savait donc qu'il se droguait. Et elle lui donnait une chance d'arrêter, pour qu'il ne suive pas la route qu'elle avait choisi.

" M. Martinez , votre femme...
- Ex-femme.
- Autant pour moi. Votre ex-femme vous fait don de la maison. Elle n'y a apposé aucune contrainte. "

Il tenait à que l'on dise que ma mère était son ex-femme alors qu'ils n'avaient jamais divorcés. Et il venait de toucher le gros lot. Un sourire avide se dessina sur son visage.

" Et enfin, vous, Amber. Je dois dire que je ne fus plus qu'étonné en découvrant votre héritage. Votre mère vous fait l'héritage de cette malle que vous pouvez voir derrière moi et d'un autre objet plus... original. Je dois avouer que c'est la première fois que je vois une chose pareille. Je vais vous demander de me suivre, si vous le voulez bien."

Je me leva, surprise. Un autre objet plus original?? Le notaire ouvrit une petite salle, collée à celle où nous étions. Il alluma une lampe qui donnait une ambiance verdâtre assez malaisante. Sur une table était posé une chose haute et large, recouverte d'un drap.

"Et voici votre héritage..."

Ma maison de poupée.