Conclusion

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Le 20 Février 2016, Londres.

« - Cette situation a assez duré. C'est pour cela qu'ensemble, ici, nous devons... nous devons... rah ! »

Je souffle lourdement et laisse tomber mes fiches sur le meuble, agacé. Je me dois de donner un discours parfait et poignant. J'ai la responsabilité de cette soirée. Si nous avions agi plus tôt, si nous avions compris la gravité des circonstances avant et si les recherches avaient été plus rapides, l'Afrique de l'Ouest ne compterait pas autant de morts aujourd'hui. En l'espace de quelques mois, trois milles quatre cent trente-et-une personnes ont succombé à l'infection. D'autant que je puisse me souvenir, le monde n'avait jamais connu une pandémie aussi foudroyante.

Et pour cause, les équipes médicales du continent Africain étaient débordées et désorganisées ; en Guinée, Sierra Leone et au Libéria (les trois pays les plus touchées), plus de huit cent quatre-vingt-un médecins ont été affectés. Cinq cent treize d'entre eux ont péri. Malgré les recherches interminables des scientifiques sur place, la provenance du virus n'est toujours pas certaine. De nombreux résultats montrent que les animaux seraient porteurs de la maladie, et pourtant, elle reste un mystère angoissant pour les populations. Ainsi que pour nous.

L'horloge accrochée au mur principal de ma chambre d'hôtel annonce 19 h 17. Je dois être prêt dans quelques minutes. Je passe mon blazer sur mes épaules et répète de nouveau mon discours.

« - Les pays africains de l'Ouest mais surtout la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone ont durement été affaibli par cet épisode désastreux. Les PIB de ces trois pays ont chuté de 2,2 milliards de dollars, dont 1,4 milliard pour la Sierra Leone, 535 millions pour la Guinée et 240 millions pour le Libéria. Ebola a eu un impact considérable sur leur activité économique ; elle a affaibli la production agricole, le tourisme, l'industrie et le secteur minier. La Côte d'Ivoire, elle, a imposé des contrôles de santé aux visiteurs, amoindrissant les flux touristiques. »

Je survole la suite du discours et détourne le regard sur la fenêtre devant moi.

Cette épidémie a pu être stoppée grâce à la découverte d'un vaccin efficace. Les Etats-Unis et la Russie avaient travaillé sur deux différents types de vaccins. Après avoir été testés, le remède américain a été conservé. C'est un fait plus que contestable - s'il n'y avait pas eu d'individu américain touché, les centres de recherches de leur pays n'auraient jamais été aussi rapide pour trouver un remède efficace. De plus, je ne serais pas étonné d'apprendre que la Fédération de Russie s'est intéressée à ce virus pour concurrencer son antagoniste historique.

Et pourtant, cette avancée n'a pas abouti à l'éradication du virus lui-même. La vague meurtrière qui a frappé le continent africain jusqu'en 2015 est stoppée, oui, mais pas la maladie. Depuis et même avant, d'innombrables galas, soirées ou campagnes ont eu lieu pour lutter contre ce fléau. Comme la collaboration d'artistes anglais en Novembre 2014, alors que la maladie ravageait l'Afrique, pour rassembler le maximum d'argent avec la vente d'une chanson, Do They Know It's Christmas. Ce soir, de nombreuses personnalités, sportifs ou artistes sont réunis dans la capitale anglaise. L'objectif est de réussir à récolter assez de fonds pour participer aux recherches, pour un vaccin capable d'éradiquer le virus de manière définitive. Nous devons nous unir et faire persister l'intérêt mondial pour Ebola ; depuis la fin annoncée de l'épidémie le 18 Octobre 2015, le monde a cessé de s'intéresser à cette maladie. Comme s'ils avaient tous effacé les morts et leur peur devant ce désastre humanitaire. Alors que toutes les personnes ayant souffert d'Ebola ou ayant voyagé dans un pays qui avait été affectés sont aujourd'hui rejetés.

« - Zid, tu es prêt ? » Appelle une voix derrière la porte.

Je me redresse et attrape mes fiches. Josh, l'un des organisateurs de cette soirée, ouvre la porte et passe sa tête dans l'entrebâillement. Je hoche la tête en souriant légèrement. Il me fait signe qu'il faut partir maintenant, ou nous ne serons jamais à l'heure avec le trafic routier anglais à cette heure-ci. Je prends une profonde inspiration et resserre ma cravate, préoccupé. Nous devons faire quelque chose. Cette remontée spectaculaire d'Ebola il y a deux ans ne sera pas la dernière, et si nous ne réagissons pas, le virus se multipliera et se consolidera. A ce moment-là, nous ne pourrons plus rien faire. Et peut-être que le nom de nos enfants s'ajouteront à ceux des quatre milles sept cent quatre-vingt-dix-sept tués, morts depuis la fin du XXe siècle.

EBOLAWhere stories live. Discover now