MARS 1960

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        J'ouvre les yeux. Le ciel est bleu avec quelques nuages. Le soleil brille au- dessus de moi. Je prends une grande bouffée d'air. Ah, de l'oxygène ! Mes poumons se remplissent de cet air si bon. Je reste encore quelques secondes allongé sur le dos. Soudain, mes oreilles bourdonnent. Je me redresse sur mes mains. C'est alors qu'une fillette sautille à côté de moi. Je n'en crois pas mes yeux : Je suis par terre, sur un trottoir. Le ciel est maintenant gris, et la fille est déjà bien loin dans la rue. Des voitures des années 60 circulent sur des pavés, constituant une route. Mais où suis-je ? Je veux comprendre comment je suis arrivé là. Je me lève et marche dans une direction, les jambes tremblantes. Un trou noir et profond dans lequel je tombais est le seul souvenir net que j'ai dans mon esprit. Des bruits me font sortir de mes pensées, et j'entends une langue étrangère... Je ne les comprends qu'à moitié, mais demander où je suis va sembler bizarre. Pourtant je me dois de le savoir ! Ainsi, j'interpelle un jeune.

« Excusez-moi, mais... » commençais-je.

-   Wer bist du?

-   Euh...

-   Ah ! Du bist französisch!

-   D'accord mais...

-   Je parle aussi un peu le français, me coupa-t-il.

-   Mais attendez une seconde. Comment s'appelle cette ville ? Je n'ai vu aucune indication !

-   Ah, mon cher ami, tu te trouves dans la plus belle des capitales ! Il se trouve que nous sommes à Berlin !

Berlin ? Je suis en état de choc. Mais j'étais... Où est-ce que j'étais avant de tomber dans le vide infernal ? À Paris ? À Londres ? À New York ?? Non, vraiment... Le gouffre sombre aura vidé mes souvenirs...

« Und du ? Wer bist du ? » demandai-je la voix tremblante.

-   Ah ! Tu t'entraînes déjà à parler allemand ? Eh bien pour tout te dire mon ami, je suis Thomas Engricke, à ta disposition !

Il fait une petite courbette assez gracieuse je dirais, mais avec une légère fermeté et une pointe de maladresse.

« Und du ? Comment t'appelles-tu ? »

-   Je m'appelle Kurt.

-   Eh bien allons. Je suis un étudiant à l'université d'Humboldt. J'en suis à ma troisième année d'études. Pourquoi es-tu venu à Berlin si je peux me permettre ? Tu as de la famille ici ?

-   Non, je... Je viens d'arriver, et....

-   Mais alors, d'où viens-tu exactement ?

-   Je...

-   Oh allez... Inutile de poser tant de questions !! On peut dire que tu es mon frère disparu. Cela te convient-il ? Pour t'intégrer !

-   Je... Je ne sais vraiment pas...

-   Tu fais comme tu veux Kurt ! Rien ne t'y oblige.

J'ai l'impression que le courant est bien passé entre Thomas et moi. Alors j'accepte.

« C'est d'accord. »

-   Parfait ! J'ai mon appartement qui est à deux rues d'ici. J'y vis seul, et j'ai une chambre de libre si tu veux. Est-ce que vivre avec moi te plairait ?

-   C'est que... Je n'ai pas envie de te déranger et... Tout cela me semble un peu précipité non ?

-   Pour ce qui est du dérangement, ça ne me pose aucun problème. Après, pour ce qui est de la précipitation, c'est toi qui vois.

Je réfléchis quelques instants avant de donner mon accord. Ainsi, Thomas m'emmène chez lui. Son appartement est sobre, modeste, mais assez spacieux pour deux. Il me montre ma chambre et me prête tout ce dont j'ai besoin.

« Voilà ! Si tu as besoin de moi, ou de quoi que ce soit, n'hésite surtout pas ! Je suis à côté. »

Il se retourne avec un petit sourire et s'en va. Je m'allonge sur mon nouveau lit ; et après une demi-heure, Thomas m'appelle pour le dîner. Notre discussion fut longue, car mon ami me posa plein de questions, auxquelles je répondis par des mensonges, uniques solutions que j'avais. Après cette sorte d'interrogatoire, nous allons nous coucher. Il m'informe dès lors qu'il ira à l'université le lendemain. Il me propose alors de l'accompagner, offre que j'acceptais volontiers.

Au Pied du MurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant