PROLOGUE

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ELLE (2 ans plus tôt)

Nous étions attroupés le long des barrières du lycée. Pancartes en l'air, scandant des slogans contre ces connards au pouvoir. Personne ne nous empêcherait d'être présents ici. Pour défendre nos rêves.

Je ne les laisserai pas faire.

"Non à la sélection ! Non aux tests ! Oui au droit d'apprendre ! Oui pour tous !"

Mes amis et moi scandions en pleine rue. Aller après retour. Boucle après boucle. Voilà ce que nos tripes nous hurlaient. Même si la peur nous faisait trembler, nous étions ensembles. Portés par un espoir fou.

Si fou qu'il est inutile...

Nous ne formions pas un groupe important sur la place, peut-être une trentaine là où notre école en comptait cent fois plus, mais nous nous tenions la main. Connaissant notre fin en ce jour. Nous savions ce que nous coûterait de nous trouver ici à manifester contre les puissants de ce monde.

On ne sursauta même pas quand les premiers coups de feu retentirent. Visés vers le ciel pour ne blesser personne.

Comme s'ils en avaient quelque chose à foutre...

En cinq minutes, les policiers nous encerclèrent, armés de fusils électroniques, prêts à nous maîtriser à la moindre incartade. Mes amis se rapprochèrent les uns près des autres. Et instinctivement...derrière moi.

Autour de nous, une foule de passants assistant à la scène eut un seul et même mouvement de recul lorsque je fis un pas en avant. Je savais que je ne pouvais rien faire contre tous ces hommes casqués et munis de flingues, mais j'avais cette sensation familière en moi qui m'incitait à protéger tous ceux qui comptaient tant dans ma vie.

Depuis toujours, j'étais comme ça.

Et cette fois je n'aurais jamais dû...

La matraque partit d'un coup sec pour me défoncer l'arcade et la tempe. Presque aveuglée, je me retrouvai projetée au sol à moitié inconsciente. Les oreilles bourdonnantes et la brûlure de la douleur me faisant gémir et agoniser, recroquevillée.

Dans le flou de ma vision, je vis mes amis se précipiter vers moi pour me secourir. Mais les flics étaient bien trop nombreux, réactifs et violents. Les deux foules s'élancèrent l'une sur l'autre et bientôt, ne résonnèrent que les coups des armes sur les corps des adolescents et le bruit étouffé de leurs gémissements.

Je n'eus pas le temps de bouger, ni de tenter de me relever que trois policiers me recouvrirent. Tête contre le bitume, je ne pus éviter le spectacle de mes camarades ensanglantés. Morts de peur. Et parmi les gens qui assistaient à ce carnage, personne ne bougeait. Il devait pourtant y avoir des parents, des frères et des soeurs dans le lot. Pourquoi ne se révoltaient-ils pas pour leurs enfants ?

Un regard attira mon attention.

Ha oui... ma mère était venue me chercher ce soir...

Je voulus tendre la main vers elle, mais on me tordit le bras vers l'arrière m'arrachant un cri de détresse.

– Maman !

La matraque acheva son travail avant que je ne puisse en voir davantage.

***

LUI (2 ans plus tôt)

J'avais attendu la nuit pour m'échapper.

La relève des gardes rendait leur vigilance approximative. Toujours présente mais amoindrie. Il suffisait d'une impulsion et ils tombaient comme des mouches. Je connaissais les couloirs de la prison par coeur. Au bout du dédale, porte après porte, soldats après soldats, un virage ouvrait sur le quai d'embarquement. Là se trouvait tous les emplacements nécessaires aux véhicules de transports des prisonniers, des esclaves, ou des ennemis. Pour le moment, ceux-ci étaient vides. La prochaine rafle ne se ferait pas avant des années, le temps que les portails soient opérationnels.

SUPRÊMES - Tome 1 [Publié chez Éditions Cyplog]حيث تعيش القصص. اكتشف الآن