Day Three

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Aujourd'hui, je vais mourir.

Et voilà où ils en étaient.

Paul détacha les yeux de la ligne d'horizon parfaitement droite et les leva vers le ciel bleu totalement libéré de la moindre tâche blanche. Le soleil brûlant se reflétait sur la lame de sa baïonnette, le forçant à plisser les paupières pour en supporter l'éclat. Bientôt, elle ne brillerait plus.

Ils semblaient si nombreux, étalés sur des dizaines de mètres, en ligne, protégés par l'ombre des camions et chars disposés dans leur dos et accroupis derrière des barricades improvisées. Caisses, toiles de tente, barbelés, tout était bon pour élever une protection sans doute peu efficace mais rassurante. Les dernières heures avant le lever du soleil avaient été passées à creuser des tranchées dans le sable à l'arrière des barricades, uniquement sur un mètre de profondeur, tout juste assez pour leur permettre de se déplacer plié en deux sans être à découvert.

Les doigts de Paul glissèrent sur la crosse de son arme, y laissant une trace de sueur humide. Ses mains étaient terriblement moites et peinait à soutenir le poids de son fusil. À présent qu'il était - pour la première fois - chargé de munitions, il regrettait d'avoir trouvé leurs entraînements et leurs cris afin d'imiter des détonations si absurdes. Il regrettait d'avoir été si impatient d'en avoir fini avec les exercices, il regrettait de s'être plaint de l'épaisseur ridicule du matelas de son lit, des repas peu goûteux, des courbatures qui élançaient ses muscles.

À présent, il aurait tout donné pour se retrouver à nouveau entre les murs et les grillages anxiogènes de la base militaire de Londres, à suer sang et eau du matin au soir, à écouter le lieutenant Lennon mâcher distraitement son chewing-gum, les mains plongées dans les poches de son pantalon.

Avant même de s'en apercevoir, McCartney détacha les yeux de son arme et les leva vers le jeune homme, adossé contre l'un des sacs qui formait la barricade à quelques mètres de lui. Il ne prêtait aucune attention aux soldats qui l'entouraient. Pas un mot d'encouragement, pas un regard, et encore moins un sourire. Cela n'aurait rien changé à leur situation, bien sûr, mais cette fois-ci, tout était préférable à ce silence angoissant qui les écrasait.

Mais il ne dura pas longtemps.

***

En première ligne, Charles Dawson avait fendu l'air comme un aigle. Un nuage de sable se soulevait à chaque fois que ses bottes frappaient le sol, traçant une ligne parfaitement droite entre les tranchées britanniques et la position ennemie, ce qui semblait en soi être un véritable exploit : mines, tirs de mortiers, balles perdues, tout poussait les soldats à dévier de leur trajectoire.


En vérité, aucun d'entre eux ne savait véritablement pourquoi ils couraient. Ce n'était pas comme ce stupide entraînement auquel ils avaient été habitués, il n'y avait aucun foulard rouge à attraper de l'autre côté du terrain pour mettre fin à la bataille. Il n'y avait rien de l'autre côté, rien à part la mort. Et ils couraient dans ses bras. Depuis les barricades, c'était un spectacle morbide et Paul était aux premières loges pour y assister : il ne voyait que le dos de ces garçons qui avaient partagé sa vie durant les dernières semaines, leurs jambes qui battaient l'air. Il les voyait se disperser sur le sable, parfois disparaître derrière un nuage mêlant fumée et sable lorsqu'un obus explosait à quelques mètres d'eux. Les dés étaient jetés et, impuissant, ses yeux passaient de l'un à l'autre lorsqu'ils s'écroulaient au sol, transpercés par une balle, projetés par une explosion, déchiquetés par une mine. Un, à droite, trois à gauche. Ils tombaient sur le sable brûlant les uns après les autres, et seule une dizaine de chanceux passèrent entre les mailles du filet, dont Charles Dawson. Un miraculé, d'une certaine façon.

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⏰ Last updated: Nov 20, 2018 ⏰

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In Spite of All the Danger (en pause)Where stories live. Discover now