L'amour dure plus qu'une vie (camren)

Paro, Bhoutan, 2016

Le site était encore plus fabuleux que ce que Lauren lui avait promis. Le monastère était perché au sommet d'une montagne surplombant la vallée de Paro, dans l'Himalaya oriental. Tous les matins, Camila se réveillait en ayant sous les yeux la ligne des crêtes blanches et étincelantes des montagnes.

Camila était traitée par les moines en hôte de marque et elle devait ce privilège à l'intervention d'une indienne, grande amie de Lauren, qui portait le nom de Lucy.

Elle comprenait pourquoi Lauren avait tant insisté pour qu'elle y aille. Leur dévotion spirituelle était plus convaincante que tout ce qu'elle avait pu expérimenter jusqu'alors et leur croyance en la réincarnation était fondamentale.

Elle avait fait quelques petites excursions. Elle avait visité la capitale, Thimphu, où elle avait assisté à une compétion de tir à l'arc et s'était promenée dans le marché. Elle avait fait des randonnées dans la vallée et vu des choses extraordinaire : des rizières, des vergers à flanc de montagne, un monastère, appelait le Nid du Tigre, perché sur une falaise.
Elle avait travaillait en compagnie des moines dans le jardin du monastère.
Une vielle femme du village lui avait enseigné l'art du tissage. Elle s'était mise aussi à porter la jupe traditionnelle bhoutanaise, la kira.

Mais elle passait l'essentiel de son temps dans l'enceinte du monastère, à lire, écrire des lettres, jardiner et s'initier à la méditation. Les moines étaient gentils avec elle et disposés à lui transmettre ce qu'ils savaient, mais elle ne comprenait pas leurs langue.
Elle était coupée du monde et se sentait très seule. Ses parents lui manquaient, et Dinah également. Elle leur avait dit qu'on lui avait offert à la dernière minute un poste de recherche pour aller étudier les jardins de l'Himalaya et qu'on ne pourrait la joindre que par lettre.

Mais c'était Lauren qui lui manquait plus que quiconque. La souffrance due à son absence la suivait telle une nuée et elle ne pouvait faire un pas sans la ressentir douloureusement. L'air qu'elle respirait en était lourdement chargé.

Camila lisait et relisait les lettres de Lauren des centaines de fois, s'efforçant d'en extraire la moindre impression, la moindre bribe d'information, la moindre molécule de son parfum qui aurait pu voyager avec elle.
Elle restait des heures à contempler la liste que Lauren lui avait fait à l'aéroport.
C'était une liste sans aucun intérêt mais Lauren avait renversé dessus une goutte de sa boisson quand elles étaient toutes les deux au bar, et aujourd'hui, en posant le doigt sur la tâche brune, elle pouvait s'imaginer que Lauren était la, en chair et en os.

A son arrivée à Paro, l'une des première choses que Camila à fait était de se faire inséminer. Elle voulait que se bébé représente l'amour qu'elle avait pour Lauren.
Elle avait commencé à avoir mal au ventre au bout d'un mois. Elle cru au début que c'était à cause de la viande, ou du thé ou encore au divers piments présent dans les plats.
Le deuxième mois elle s'aperçut qu'elle n'avait pas eu ses règles depuis le Mexique et en tira les conclusions qui s'imposaient.
Puis elle commença à s'affoler. Un bébé était la seule chose dont Lauren ne lui avait pas parlé. Lauren n'avait pas eu le temps de lui répondre à l'aéroport. Lauren n'en voulait sûrement pas. Camila ignorait pourquoi. Elle ne pouvait pas en parler à Lauren. Camila avait vingt trois ans, n'était pas mariée, et seule dans un monde d'étranger. Mais elle ne voyait pas comment ne pas avoir ce bébé.
Camila écrivit plusieurs lettre à Lauren, dans l'intention de lui annoncer, mais finalement elle n'en fit rien.

Au début de son troisième moi à Paro, Lauren cessa de lui écrire. Camila continua pour sa part à lui envoyer des lettres tous les jours, mais au fil du temps elle perdit espoir que Lauren les reçoivent. Elle pensait à elle avec une angoisse grandissante.

Le temps lui paraissait horriblement long, mais le réconfort lui parvint de trois côtés différents et des plus inattendus. Il eut tout d'abord les lettres de Dinah, pleines de questions et de doutes auxquels Camila ne pouvait répondre, mais débordantes d'un amour aussi spontané que généreux. La façon dont Dinah était capable d'aimer même sans comprendre tenait du miracle.

Ensuite il eut les lettres de son père qui lui parlait avec humour de sa dernière reconstitution de la guerre de sécession.

Et enfin les semaines passants, son ventre s'arrondit considérablement. Si le goût des aliments s'en trouva altéré désagréablement, Camila trouvait cette compagnie agréable. Elle n'était plus tout à fait seule. C'était son bébé à elle et celui de Lauren aussi, qu'elle le veuille ou non. Camila espérait toutefois que cette enfant ne serait pas tout ce qui lui resterait de Lauren.

-" Tu m'as promis. Je t'aime. Je compte sur toi."
Elle lui répétait en pensée tous les matins et tous les soirs, et toute la journée aussi.

Salut à toutes et à tous!
Le prochain chapitre sera le dernier 😘