LE VENT TOURNE

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Au cours des jours qui suivirent, le vent souffla bien plus qu'à l'ordinaire et le soleil ne se montra plus. Il était plus léger. Il s'élevait en créant une sorte de vide vers lequel s'écoulait un air plus froid. Tyronne s'était parée d'une teinte glaciale et les innombrables plantes des jardins-mêmes avaient souffert de la brise gelée qui s'y était répandu. Le fleuve menaçait de déborder et d'envahir les premières habitations mal isolées qui contenaient très mal la chaleur. L'opinion générale dans les alentours était que Lyrias devenait fou et imprévisible. Les navires quel qu'ils soient n'effleuraient plus près des rivages. Tyronne devenait désert. Peu à peu, la cité devint aussi froide qu'un spectre et l'orbe même semblait ne plus resplendir comme auparavant. Les fruits avaient été durement touchés par le coup de froid qui avait tout balayé sur son passage. Certains vieillards et enfants n'y avaient résisté.

Un matin, peu de temps après le chant du coq, un faucon entra dans les palais. Quelques heures plus tard, on demanda aux hommes de se rendre dans la grande cour. Depuis la perte de son vieil ami, Augias ne s'était jamais encore sentit aussi impuissant. Le cor ne retentit pas cette fois-là. Augias et Bramir s'y présentèrent désorientés.
-Le roi s'en va, leur annonça un de ses conseillers.

Augias observa la cour sens dessus dessous. L'homme déjà âgé continua :
-Lyrias se rend à un conseil au-delà des frontières de Gènèssa. Il part rencontrer les gouverneurs des autres races. Il semblerait que quelque chose de terrible se soit passé. Le voilà qui arrive. Tachez de ne pas l'importuner. Il est d'humeur à massacrer une génisse qui allaiterait son petit.
Ils restèrent de marbre car jamais encore ils n'avaient vu leur roi partir au-delà des frontières de la terre des hommes. Celui-ci s'était drapé d'une toge noire aussi brillante que l'onyx qui mettait en lumière son pectoral d'or. Il ne daigna pas regarder les trois hommes et au milieu de la grande cour, il vociféra: 

- Où est mon cheval? Je devrais vous faire fouetter pour votre impudence !

Des esclaves lui apportèrent promptement la bête splendide dont le pectoral de bronze présent sur sa gorge s'accordait royalement avec la tenue de son porteur. Lyrias s'approcha enfin du conseiller, presque défiguré tant il était irrité.

-Maudites soient les races au-delà de nos frontières! Je te laisse la charge du royaume, conseiller. J'aurai trop honte de laisser ce jeune sot prendre les rênes en mon absence, lança-t-il en jetant un regard méprisant à Augias. Je serai de retour dans un mois. 

Il s'apprêtait à monter son cheval quand le jeune guerrier s'écria,avant même que Bramir n'ait eut le temps de le retenir :

-La politique rend les hommes aveugles de bon sens.

Leur sang ne fit qu'un tour. Le roi qui avait commencé à crisper ses mains sur la scelle de l'animal se retourna furtivement et dégaina son épée :

- Ne me parle pas ! N'ose plus jamais prononcer un mot devant moi tant que je ne t'aurai pas redonner le droit de parole, se récria-t-il.
La lumière fade du jour s'étendait dans la cour de marbre. Les hommes d'Augias, un à un, commençaient à sortir de l'ombre. D'autres sous les piliers observaient le bras de fer des deux hommes. Ils hésitaient à pointer le bout de leur nez. Un silence de plomb embauma l'atmosphère lourde de rancœur. Le jeune guerrier à cet instant savait que s'il assénait de nouvelles paroles à son roi, il verrait son destin prendre une toute autre tournure. L'œil vindicatif et destructeur, Lyrias dévisagea son fils qu'il regardait à présent comme le pire des étrangers. Augias hésita à répondre. Cela leur sembla une éternité. Il cru que ces quelques secondes laissées de répit laisseraient la possibilité à son roi de repartir, de se détourner en vue d' apaiser les maux de leurs esprits. Mais l'indignation triomphante, le roi resta là. Il était figé tel une statue de pierre pour affirmer son autorité.Alors, le guerrier tonna :

Les Temps obscuresOnde histórias criam vida. Descubra agora