L'étouffement

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Maman j'étouffe, papa j'étouffe, écoutez-moi j'étouffe.

Je sombre petit à petit, plus d'un regard dans la glace m'ont simplement écœuré, plus d'un. Ce miroir qui me juge, qui relève mes défauts que j'aimerai tant ne plus voir. Ce miroir qui m'insulte et me crache dessus « sale grosse! ». Que je sois de face, de profil, que je rentre ce ventre qui me pourrit la vie. Rien ne change, je reste cette chose épaisse.

Chaque matin je me lève pour aller en cours, d'un pas nonchalant je sors de mon lit enfonçant simplement mes pieds dans des pantoufles, je traîne mes pieds jusqu'à la salle à manger. « non maman je ne mangerai pas ce matin. », « tu prendrais bien une tartine de beurre confiture? ». Je cède. Je mange, m'empiffre même. Je ne peux me retenir. C'est tellement bon. Je finis de manger. Je suis mal. Pourquoi? Parce que j'ai encore faim.

Je pars ensuite vers l'arrêt de bus qui est composé de beaucoup de personnes que je connais, elles me dévisagent. Elles se murmurent « tu as vu comment elle a grossi, si elle continue elle va finir obèse, ah non.. elle l'est déjà ! » suivi d'innombrable gloussement. J'ai la simple impression d'être une bête de foire. Une grosse bête de foire.

Je monte finalement dans le bus, je vais pour payer ma place et j'entends de nouveau des méchancetés « elle devrait prendre deux places pour ce qu'elle traîne derrière elle », je ravale la boule qui ne cesse de grossir dans ma gorge. La journée n'a pas encore commencé, mais je suis déjà mal. Je m'installe à côté de la fenêtre et ferme les yeux. Je repense à avant, j'avais des amis, les gens ne se souciaient pas du poids des autres. Ils se fichaient royalement de tout, de nos défauts, de notre façon de s'habiller, il suffisait tout bêtement d'être gentil pour être apprécié.

Je descend du bus, le cauchemar recommence et se répète sans cesse. Mais aujourd'hui c'est pire, j'ai sport. J'essaye souvent d'arriver avant les autres filles afin de pouvoir me changer sans regards sur moi, mais ce jour-là j'étais arrivée plus tard que d'habitude et des filles étaient déjà en train de se changer, alors j'ai tout bêtement attendu qu'elle rentre dans le gymnase et que le vestiaire soit vide. Je rentrai ensuite pour enfiler mon t-shirt qui mettait en valeur mes formes - mes bourrelets -, puis mon pantalon de jogging. Je sors ensuite sous le regard compatissant du prof de sport, je ne veux pas de pitié. Je n'ai pas fait attention à moi et maintenant j'en suis là.

Le cours commence sous les regards amusés des autres élèves, tous plus mince les uns que les autres, on court. Enfin, ils courent. Pendant que moi je me débat contre la petite voix dans ma tête qui me crie « tu n'y arriveras pas, tu es beaucoup trop grosse pour courir », je brûle de l'intérieur, je transpire de l'extérieur. Qu'est-ce que ça fait mal. Je suffoque et je suis obligée de m'arrêter, est-ce que je pourrais vivre toute ma vie ainsi?

Mon professeur m'arrête avant de rentrer dans les vestiaires pour me parler. J'espère que lorsque je rentrerai me changer, il n'y aura plus personne. « tu sais, tu n'as pas à complexer, et si tu complexes fais tout pour changer! Sois fière de ce que tu es et ne te soucies pas du regard des autres, tu es comme tu es. » Je lui avais répondu d'un simple sourire, toujours le même speech comme si c'était facile.

Je rentre dans les vestiaires. À ma vision il n'y a plus personne, alors je me change. Je retire mon haut, mon bas, puis des gloussements retentissent ainsi qu'une dizaine de filles en train de me filmer à mon insu. J'attrape mes habits et les met rapidement devant moi, mais à quoi ça sert? Je suis beaucoup trop épaisse pour être cacher par un simple tissu. Elles rient, comme si c'était drôle d'humilier quelqu'un ainsi. Elles m'insultent, me crachent des mots blessants, et encore une fois je ne dis rien. Je me contente de me changer rapidement pour sortir de ce gymnase. Je retiens mes larmes. Allé, plus que quelques heures et tu rentreras chez toi. Courage.

RecueilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant