Part 5 : Entre cornemuse et biniou

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La vie des deux familles va s'écouler lentement dans la douceur du climat méditerranéen. Mes parents vont vivre à quelques sept kilomètres l'un de l'autre en ignorant totalement l'existence de chacun.

La famille Muir fréquente plus souvent et essentiellement les communes du Cailar et d'Aimargues, alors que la famille Langlais aime se rendre dans la commune de Vauvert et dans la grande ville de Nîmes.

L'une aime la tranquillité de la vie à la campagne (semaine, week-end et jours fériés inclus) alors que l'autre adore s'échapper, dès que l'activité du restaurant le permet, dans la principale ville du département pour flâner, faire des emplettes, et rencontrer d'autres bretons au détour d'un pub pour parler du « pays » devant quelques chopes de bière ou de cidre.

Mon grand-père Muir ne pense qu'à son travail : « ses » vignes, « son » vin, « son » potager et s'accorde quelques loisirs qui sont la chasse et la pèche à la ligne.

Sa vie est réglée sur le cycle du soleil : debout au lever du soleil et au lit à vingt heures trente. Hiver comme été, mon grand-père vit au rythme du soleil. Une différence, entre ces deux saisons, toutefois s'émisse quand les températures sont trop chaudes : la sieste de treize heures à quinze heures.

Sieste sacrée chez les Muir durant l'été : attention, aucun bruit n'est toléré dans la maison, ni à l'extérieur proche. « Tout le monde au lit ! », crie le père. Son exigence est proportionnelle à son état de fatigue, et lorsqu'il est vraiment épuisé, il ne supporte même plus le chant des cigales dans les platanes abritant la grande cour entre les deux bâtisses. Il ne peut alors s'empêcher de pester après ces insectes de la saison d'été et de jurer dans un dialecte écossais à grand coup de « fuck » et « fucking animals », « loosing my rag with these bastards » ... Alors ma grand-mère essaient de conjurer le mauvais sort qu'attirent les jurons de son époux, avec nombre de signes de croix et murmures de prières. Le tout a pour effet d'exaspérer mon grand-père à un tel point qu'il finit par quitter la chambre pour s'allonger dans la buanderie donnant à l'arrière du mas afin de trouver un peu de sommeil avant de reprendre son travail harassant jusqu'à vingt et une heures du soir.

Les enfants Muir font la sieste également pendant les vacances scolaires d'été. Après une bataille d'oreiller silencieuse ou une tentative « d'assassinat par chatouillement intense » sur le petit William qui endure la douce « torture » sans un cri, les enfants finissent par s'endormir dans la torpeur de la chaleur de la mi-journée et se réveillent les uns après les autres aux alentours de seize heures. Un bon goûter préparé par mummy, généralement deux tranches de pain grillé avec une barre de chocolat fondu et un grand verre de lait suffisent à recharger leur batterie et les voilà repartis à leurs occupations respectives : retrouver mon grand-père dans les vignes pour mon père Edward, le ménage ou la cuisine pour ma tante Frances (à la maison ou chez les voisins), les révisions scolaires puis les jeux pour William sous l'œil attentif de ma grand-mère.

Lorsque l'activité dans les terres est intense, mon grand-père s'accorde rarement de repos hebdomadaire. Il trouve toujours quelque chose à faire dans le mas. C'est là, le problème lorsque l'on vit sur son lieu de travail : pour certaine personne, il est difficile de « décrocher » ...

Ma grand-mère Mhairi a peu de besoin. Et c'est tant mieux ainsi car mon grand-père ne prête pas grande attention aux besoins des autres. Son seul plaisir est d'aller au marché hebdomadaire à Aimargues, le dimanche matin avec son époux. Là, elle fait les provisions de vivres pour la famille. Le mas produit sa volaille, ses œufs et le jardin de mon grand-père fournit la plupart des légumes nécessaires à la préparation des repas, mais le marché du dimanche matin reste la sortie essentielle de la famille Muir : légumes secs, épices, poissons, agneau, bœuf. Elle économise toujours quelque argent pour acheter du tissus et ainsi se livrer à son occupation préférée une fois à la maison, la couture. Angus quant à lui, achète la presse régionale du dimanche matin, du tabac et quelques ficelles, écrous et boulons qui peuvent manquer au mas. Les enfants suivent les parents au village et rencontrent souvent au détour d'un étalage des collègues de classe qui comme eux, effectuent le « pèlerinage » hebdomadaire. La famille retourne au mas après douze heures. Eh oui, le seul « caprice » de ma grand-mère est d'assister à la célébration de la messe le dimanche à dix heures trente. Alors pendant que femme et enfants écoutent la prêche dominicale, Angus passe son temps au café du coin et partage ses malheurs d'agriculteur avec les autres paysans du coin et ainsi le monde est refait, pour un court instant, à l'image idéale de chacun ... un monde rêvé : sans inégalité de classes sociales, sans douleurs, un meilleur vin, une meilleure production arboricole, sans orage, sans grêle...et dans ces discours, tout y passe : Dieu, le Saint Esprit , Jésus, Monsieur le Maire et le Président de la République.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 22, 2016 ⏰

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