Acte 3

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J'étais là, assis sur une serviette de plage, les jambes repliées en tailleur. Il n'y avait que moi sur cette plage mouillée par la dernière marée. En fond sonore, les vagues, la houle, le cri des mouettes. Il y avait le vent qui s'emmêlait dans mes cheveux blonds. Non vous ne rêvez pas, moi non plus, vous vous demandez sans doute ce que je fous ici, sur la plage, avec une serviette de toilette comme seule protection contre le sable (ce petit con). Disons que ça fait cinq jours que je suis là, dans ce village de bord de mer, où la pluie tombe un jour sur deux. Cinq jours, que je me morfonds, traumatisé et fatigué de me battre contre mes démons. Cinq jours que je me creuse la tête pour trouver une idée, assis en tailleur sur la plage, pour réaliser cette peinture collant au thème. Voyage éphémère au bord de la mer. J'étais le seul blaireau assis sur la plage alors que la plupart de ma classe ainsi que les classes concurrentes étaient perchées en hauteur, au pied du phare, ou sur les hauteurs de la falaise, histoire d'avoir une vue imprenable sur la mer, la plage et ce paysage envoûtant. Il faisait gris aujourd'hui, un ciel tout gris, monochrome, sans lumière, juste un teint blafard. Et moi, pendant que les autres peignaient à longueur de temps une toile format A3, je regardais la mer. Ils s'appliquaient tous, minutieusement. Ma toile était encore blanche, vierge, encore emballée, ma boîte de peinture était planquée au fond de mon sac. Je regardais les vagues, l'écume blanche... (Je cherche de l'inspiration quoi !). J'ai soupiré, pour changer et j'ai branché ma musique, et je me suis laissé transporter. Sonya, ma petite amie s'était lancée dans un projet monumental, elle passait ses journées avec Teresa, Harriet et deux autres filles d'un autre lycée. J'étais mieux. Mon cauchemar allait mieux, pas de là à en faire un rêve non plus. 

Après le premier jour de supplice, j'ai failli me jeter du toit. Le deuxième, j'ai tenté de me noyer dans l'évier. J'ai juste bu la tasse et toussé pendant un quart d'heure. Le troisième, on a élaboré un plan avec Thomas pour que le gorille arrête de nous empêcher de dormir. C'est le seul moment où on s'est parlé sans se crier dessus. Je ne le supporte plus, il me fait chier tout le temps, me pique la couette, me balance ses tee-shirts sales à la tête, mais ça a tourné en chamailleries. On a fait chier les quatre autres mecs aussi, mélangeant leurs peintures ou planquant leurs pinceaux (on était des gamins). Le quatrième jour, j'ai tenté de m'ouvrir les veines mais avec un couteau à bout rond, c'était pas très efficace. J'ai juste reçu une baffe de la part de Thomas après qu'il ait vu mon poignet en sang. Ca m'a tellement choqué. J'ai plaqué ma main  contre ma joue, ça brûlait. J'étais assis sur le carrelage froid de la salle de bain, mon couteau de cantine était balancé à l'autre bout de la pièce et il y avait Thomas accroupi en face de moi.  Son visage était déformé en deux expressions distinctes : l'inquiétude et la colère. Et ce con a attrapé ma nuque fermement, plantant son regard ambré dans le mien et m'a dit méchamment. 

" Tu refais ça, je te donnerais une bonne raison de te tuer. Je te jure. Tu ne me refais jamais ça, tu m'entends Newt ?"
J'ai frissonné. Puis j'ai baissé la tête me sentant totalement minable. Puis lui s'est relevé et est sorti, sans doute voir Minho, j'ai eu envie de lui crier dessus. Comme s'il avait quelque chose à foutre de ma gueule.


Et là, j'étais seul sur ma plage. Mon regard s'attarda sur le sol, où un coquillage était échoué, coquille vide d'un voyage éphémère. Putain mais elle est là, mon idée ! Je me suis félicité d'être aussi génial et j'ai poussé un cri de joie (une mouette m'a répondu).
Je me suis levé et j'ai couru jusqu'à la dune où était assis Thomas, seul, surplombant la plage.
" Tommy, tu peux me prêter ton portable pour une photo ?" Thomas, qui ne m'avait pas vu arriver relève la tête vers moi et sa face vire au cramoisi. Mon regard se pose alors sa toile. C'est la mer, la plage et  un jeune homme de dos, assis face à la mer, les orteils dans le sable.
Thomas détourne aussitôt la tête, se mordant la lèvre.
" Tu veux bien ? Je redemande. Il déglutit, se lève et sort son portable de sa poche, me le tend avec un sourire timide.
" Merci. Je lui réponds avec un sourire en coin. Je savais que j'étais ton modèle. Mais pas au sens littéral du terme." Je lâchais avant de redescendre vers la plage. J'utilise le sarcasme sans doute à outrance. 
J'entendis le rire de Thomas et je me surpris à sourire. 

NIGHTMAREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant